Faire exister le tiers symbolique. La parole comme tiers.

Si l’illusion symbiotique, si la complétude imaginaire, sont nécessaires à un moment donné, elles sont enfermement si elles se prolongent. Il est tout aussi nécessaire à "l'aidant" de se dégager d'une position dans laquelle il voudrait combler les manques ou réparer l'autre, que pour l'enfant de tout demander à cet autre, de penser que ce dernier va le réparer" sans qu'il ait besoin d'agir lui-même. La relation imaginaire est fondée sur deux positions qui s'opposent: la fusion ou le rejet, l'amour ou la haine. Le face à face duel est rapidement mortifère, marqué d'enjeux imaginaires: "c'est lui ou moi"."Le "deux" appelle un rapport de force. Si tu as moins, je suis plus, si tu es plus, je ne suis pas assez, si tu es trop, je ne suis plus." ’ (REY, 1990, p. 74).

Le rééducateur, au sein de cette relation, est tenu d'assumer la fonction de conteneur "suffisamment bon" de la parole de l'enfant afin que puisse émerger, être élaboré, être surmonté, ce qui encombre la pensée de cet enfant. Selon René KAES (1979, p. 63), ‘ "la fonction conteneur correspond au rétablissement du processus psychique grâce au travail de transformation de contenus destructeurs par un contenant humain actif et apte à rendre possible cette métabolisation."A la fonction conteneur , doivent se conjuguer le cadre et la "fonction transitionnelle" trois éléments indispensables"pour que s'exercent le jeu interprétatif, ou créatif" ’ ( id., p. 63).René KAES nomme ‘ "fonction transitionnelle" "le rétablissement de la capacité d'articuler des symboles d'union dans un espace paradoxal de jeu, par delà l'expérience contraignante de la division-séparation ou de l'union-fusion"(ibid.).

Si l'enfant peut rechercher et se tenir un moment dans une relation "duelle", le rééducateur ne se positionne pas pour autant dans une stricte réciprocité imaginaire. L'institutionnalisation de la rééducation, les positions du rééducateur, sa référence au cadre, font de la rencontre rééducative, une rencontre référée au symbolique. La relation est médiatisée par la parole, et le tiers absent (le père, la mère, le maître, le groupe, les copains, la classe, etc..), est rendu présent par la parole. C'est la raison pour laquelle il est sans doute plus juste de caractériser cette rencontre rééducative de "singulière", et non de "duelle". ‘ "Pour être deux, il faut être trois" ’ dit Jacques LACAN, sinon à s'enfermer, et à enfermer l'enfant, dans un fantasme de fusion, dans la confusion, dans le "UN -TOUT" imaginaire et mortifère.