S'agit-il d'interpréter à l'enfant ce que l'on "croit" comprendre? S'agit-il de toujours répondre? Il est des questions qui n'attendent pas de réponse.

Nous avons formulé des hypothèses à partir de ce qu'a pu exprimer ici Malaurie. Ce n'est pas pour autant que je lui en ai dit quelque chose. Il n'est pas question d'interpréter ce que l'enfant dit ou fait en rééducation. Toute interprétation du sens latent des productions de l'enfant présente tous les risques d'être violence faite à cet enfant, ‘ "court-circuit entre le plan de la création et celui de la réalité du sujet", selon les propos d'Ivan DARRAULT (1995, p. 7), ‘ "la meilleure façon de stériliser le processus d'aide, que ce soit en rééducation ou en psychothérapie d'ailleurs." ’ (DARRAULT, 1992, p. 21). Le même auteur argumente la position rééducative devant les histoires inventées par l'enfant: ‘ "Ce qui fait la valeur du travail rééducatif, c'est qu'à aucun moment l'enfant n'a conscience qu'il parle de lui en direct dans les séances." ’ (id. p. 20). De son côté, Yves de LA MONNERAYE (1991, p. 205). insiste: ‘ "Il ne sert à rien de dire à l'enfant la supposée signification cachée de ce qu'il fait, tout au plus, cela l'aidera-t-il à renforcer ses résistances." ’. Citant WINNICOTT, il rapporte: ‘ "La créativité du patient, le thérapeute qui en sait trop peut la lui dérober." ’ (id.). D'ailleurs, que comprenons-nous? Que savons-nous de l'autre? Tout au plus ce que ses propos éveillent en nous. Nous gardons à l'esprit, la recommandation de Jacques LACAN (1956-1957, p. 277) à propos de l'analyse du mythe individuel de l'enfant: ‘ "Pour vous apercevoir de ces choses, il est nécessaire que vous vous efforciez à chaque étape, à chaque moment de l'observation, de ne pas tout de suite comprendre." ’.

Que s'agit-il de faire? Il s'agit, semble-t-il, d'accompagner l'enfant dans ses représentations, dans ses élaborations, pour qu'il puisse s'entendre en nous-même, par le fait que nous étions là, présents , pour l'entendre."Dès lors qu'une interprétation n'est pas celle qui met des mots sur mais qui permet à des mots de venir pour s'inscrire - et c'est du lieu de l'enfant que l'interprétation se fait - cela veut dire que le rééducateur n'interprète pas; c'est l'enfant qui formule des choses et qui fonde l'interprétation."(GUY, 1986, p. 26). Il s'agit dès lors de repérer, semble-t-il, les répétitions de l'enfant, ce qui insiste, ce qui ne parvient pas à se jouer ou à se dire dans la relation rééducative même. Il s'agit d'en parler avec l'enfant dans la déconfusion constante de son imaginaire et de la réalité.