Ismène expérimente diverses places ou positions dans la relation. Elle "répare" la relation, et l'image d'elle-même.
Affirmation d'un jeu symbolique "auto-réparateur" qui articule imaginaire et réalité.

Lors de la séance suivante, elle me demande d'être à nouveau "la mère". Elle serait la fille, mais elle précise que cette fois elle serait "gentille, gentille". "Un père", fictif, est "présent-absent". En tant que "mère", je mets l'assiette "du père", à table. En tant que "fille", elle prend l'initiative de faire semblant de frapper à la porte, et d'aller lui ouvrir. Elle utilisera à plusieurs reprises la possibilité d'arrêter le jeu en disant: "pouce", par lequel, en réglant quelques détails du scénario, elle articulera, dans un jeu symbolique réparateur, imaginaire et réalité. Son jeu sera, de fait, beaucoup plus distancié. (Elle fera par exemple un aparté, hors jeu: "Je te dirais qu'il n'y a pas école cet après-midi, parce qu'il y a grève, tu me croirais pas, mais ce serait vrai"). Elle acceptera, lorsque, dans le jeu, j'arrêterai le mouvement de "la petite fille" qui embrassait (dans la réalité) sa "mère" avant de partir à l'école "avec son père", pour le transformer en un "faire-semblant", lui rappelant ainsi, que l'on est bien dans un jeu. Elle joue, en effet, le rôle d'une "petite fille très gentille" qui me demande une histoire avant de se coucher. Elle est allée chercher un livre dans le coin bibliothèque, et a choisi "Hans et Gretel". Je lirai le premier chapitre alors qu'elle s'est installée dans un simulacre de lit. (Je me rendrai compte qu'elle connaît très bien cette histoire).

On peut remarquer que, grâce à cette reprise du jeu, elle a "réparé" en quelque sorte, dans le transfert, la relation mère-fille, quelque peu en difficulté dans la séance précédente. Elle a pu, dans le même temps, apaiser, peut-être, ses craintes d'avoir entamé sa relation avec la rééducatrice?

Il nous faut préciser qu'Ismène, parmi les "symptômes" qui l'ont conduite en rééducation, est accusée de mensonges, par sa mère et son entourage scolaire. C'est donc également son image qu'elle tente de réparer, en même temps. (Dans le jeu, en tant que "mère", j'avais consciemment été attentive à lui présenter mes excuses pour ne pas l'avoir crue, alors qu'elle disait la vérité, selon son scénario). Il nous faut indiquer également qu'Ismène vivait, à ce moment-là, un conflit avec sa maîtresse. Elle avait fait venir son père, pour la première fois dans l'école, en se plaignant à lui de faits inexacts. Le père, revendicatif envers l'enseignante, n'avait pas cherché à en savoir plus, et n'avait pris aucune position lorsque l'enseignante avait confondu Ismène dans ses mensonges, devant lui. Nous avions émis l'hypothèse, avec son institutrice, que, dans le fonctionnement actuel de la famille, rendre le père porteur d'une revendication, était peut-être le seul moyen que la fillette avait trouvé pour faire venir son père à l'école. L'enseignante avait exprimé à Ismène, après le départ du père, son mécontentement, d'avoir mis le père et la maîtresse dans des conditions difficiles, peu propices à une véritable rencontre. Cet incident avait eu lieu dans les jours précédant notre rencontre.