Ismène fait exister, dans le jeu, le tiers qu'elle appelle désespérément, dans la réalité.
Processus d'identification, vis à vis de la rééducatrice?
Relation symbolisée, dans le jeu, par un tiers "présent-absent", dont on parle, à qui l'on parle.

De nombreux indices m'avaient fait formuler une hypothèse concernant une des principales préoccupations d'Ismène à ce moment-là. Elle semblait enfermée dans une relation duelle symbiotique et ambivalente avec sa mère. Des "agirs" pulsionnels surgissaient fréquemment, tant en classe que dans le lieu rééducatif, faisant d'elle une fillette agitée, instable, avide de contact et du regard des autres.

Elle sentait sans doute inconsciemment que seul l'effet de la "métaphore paternelle" pourrait l'aider à dépasser cette situation dans laquelle elle se trouvait prise, impuissante. Alors qu'auparavant il n'y avait jamais de "père" dans ses histoires, il lui était arrivé, dans un jeu, en tant que "mère", de téléphoner "à la police" parce que "sa fille" (dont je tenais le rôle) "lui avait volé des sous". Elle avait ensuite, par exemple, chose assez rare chez un enfant, demandé à son institutrice "un mot" à ses parents, après une bêtise faite en classe. Elle venait donc de faire venir son père à l'école, sous un subterfuge.

Une collaboration fructueuse avec son enseignante, nous avait conduites à réfléchir, ensemble, à la manière de poser un cadre structurant à Ismène, chacune de notre place, et par rapport à nos contextes d'intervention respectifs.

C'est la raison pour laquelle, dans les jeux avec elle, j'étais particulièrement vigilante dans cette évocation du "tiers absent". D'où ma référence au père, dans le jeu, en tant que "mère" de cette fillette capricieuse. Une référence constante au cadre était nécessaire par ailleurs avec Ismène. Nous en avons évoqué quelques aspects, comme celui de ne pas emporter d'objets de la salle, de ne pas confondre "le dedans" et "le dehors". Les limites temporelles des rencontres étaient difficiles à faire respecter. J'avais déjà dû accentuer la dimension organisatrice des séances elles-mêmes, en différents temps bien délimités. Est-ce par un effet d'identification par rapport à mon jeu de la première séance, qu'elle a fait exister le père, dans la seconde histoire? (Elle ne l'avait pas prévu, dans le scénario anticipé).

Il nous faut souligner les capacités imaginaires et symboliques d'Ismène. Comme elle avait pu parler, dans le jeu, à une maîtresse fictive, symbolisée par une place vide derrière un bureau, elle peut faire exister un moment, dans le jeu, "un père" présent-absent. Ce n'est pas une hallucination. Ismène, dans ce cas précis, sait qu'elle joue.

Dans le jeu, la relation "mère-fille" devient une relation symbolisée par l'inscription d'un tiers.