1-6- Alain offre "plein de cadres!..." à la rééducatrice, et une image, au moment de "couper" la relation...

Nous avions commencé la rééducation avec Alain en décembre, alors qu'il était en Grande section d'école maternelle. Il terminait son Cours Préparatoire, et nous avions décidé de l'arrêt de la rééducation. Ses difficultés de comportement, son instabilité, s'étaient considérablement améliorées. Il était à présent inscrit dans les apprentissages. Il avait non seulement appris à lire, mais "il avait envie" de savoir et d'apprendre, comme la dernière rencontre, au début du mois de juin, peut, entre autres choses, en témoigner. J'avais beaucoup parlé "cadre", sans toutefois prononcer ce mot avec Alain. Vu son contexte familial, nous avions souvent évoqué les problèmes de violence, verbale ou physique, puisque, sans être véritablement en danger, il la subissait souvent. Son propre rapport à la loi, par ailleurs, avait été une de nos préoccupations, tout au long de nos rencontres.

Lorsque je vais le chercher dans sa classe, ce jour-là, Alain se lève tel un ressort, excité: "C'est pour moi!" Il saute et court dans le couloir. Je dois le rappeler, et lui demander d'être plus calme, de faire moins de bruit, pour ne pas gêner les autres enfants qui travaillent dans leur classe. Dans la salle, nous évoquons notre travail ensemble. Alain déclare qu'il a bien apprécié "un endroit pour parler" .

Puis il annonce: - Je vais faire un très beau dessin. Un père Noël avec son sac vide, et un lutin.

Il explique son dessin, au fur et à mesure:

- Le lutin. Il y a quelque chose autour de son cou. Le Père Noël l'a crié (sic), c'est pour ça qu'il est comme ça. (Il l'a dessiné penché en arrière). Le père Noël voulait qu'il range les cadeaux dans la fusée.

...Le Père Noël. Il lève les bras. Il est en colère.

...Je fais des bulles! Comment ça s'écrit "mettre"?

(Il réfléchit à ce qu'il va écrire dans les phylactères. Ce sera un dialogue imaginaire entre le Père Noël et le lutin)

Illustration : Alain offre "plein de cadres" à l'éducatrice.
Illustration : Alain offre "plein de cadres" à l'éducatrice.

(Père Noël) - Va mettre des cadeaux!

(Lutin) - pas la peine que tu te mettes en colère!

(A moi, aparté) ...Y'a un accent? ça s'écrit comme ça "peine"?

Je lui indique l'orthographe "ei", puis je l'interroge sur la nature des cadeaux.

Il poursuit: - Pour moi,

1- un camion téléguidé,

2- des trucs, tout ce qu'il faut pour l'école,

2- des feutres,

3- un pont à l'envers pour mes voitures, (?)

5- des ciseaux solides pour couper.

Puis il continue son dessin, ajoutant des cadeaux:

- Pour toi, un cadre, plein de cadres, et des posters.

...Le dernier cadeau, pour les parents. Des mexicains, le corps en papier et la tête en porcelaine. Pour le papa, pour la maman, voilà.

J'ai été surprise, je le reconnais, par ce cadeau de "cadres"...Quant au poster, était-ce "l'image" dont il me gratifiait?

Il me demande d'emporter son dessin. Comme c'est la dernière séance, j'admets de faire un écart à la règle, et j'en fais une photocopie, qu'il emporte. Je garde l'original.

...Ai-je ainsi, inconsciemment, prise dans la relation et le transfert, renouvelé le rite du symbolon, dans sa fonction étymologique de tesson partagé en deux, signe de reconnaissance lors des séparations?...Il avait bien, quant à lui, reçu du Père Noël, des "ciseaux solides pour couper"!!!...

Quel bel exemple de symbolisme, si l'on veut bien entendre, un tant soit peu, les manifestations de l'inconscient!