J'avais eu quelque difficulté à faire entendre à la mère l'objet de la rééducation et ses modalités. Il m'apparaissait cependant que cette mère avait voulu se montrer à moi comme une "bonne mère", s'occupant bien de ses enfants. Elle avait dit s'être occupée elle-même du placement du fils aîné, alors que je savais qu'elle y avait été contrainte par jugement. Cette famille était connue de tous les services sociaux, des services de police, etc...de la ville. J'étais nouvelle dans l'école, dans la ville, et je bénéficiais en quelque sorte à ses yeux d'une position de "non-savoir" par rapport aux événements de la réalité. Je décidais de tenir cette position, acceptant sa version des faits. Je pensais pouvoir, peut-être, me trouver ainsi dans une position privilégiée pour éventuellement contribuer à restaurer chez elle, quant à ces événements passés, une image de "mère suffisamment bonne", ce qui pourrait avoir des effets bénéfiques sur Benoît. Je pourrai toujours manifester mon désaccord sur d'autres points du présent (ce qui n'a pas manqué de se produire).
Restituer aux parents leur place de parents , dans la mesure du possible, semble être en effet un socle sur lequel peut se construire le travail rééducatif de l'enfant. A aucun moment, le rééducateur ne peut être "le bon parent" ou "un meilleur parent", dans la réalité de l'enfant. Il doit donc être vigilant à ne pas se substituer imaginairement aux parents et à ne pas les disqualifier. Quels qu'ils soient, et sauf cas exceptionnel de danger pour l'enfant, le principe de réalité impose de penser que cet enfant a besoin de ses parents, et qu'il doit "tâcher de se débrouiller avec ces parents-là"...
Pour pouvoir apprendre à l'école, pour pouvoir passer du symbiotique au symbolique et pour pouvoir se séparer de sa famille, nous avons rappelé que l'enfant doit:
Les parents de Benoît ne facilitaient pas la tâche de leur enfant. Trop préoccupée par ses propres questions, en situant au premier plan ses besoins sexuels de femme, la mère ne prenait en compte, ni ses enfants, ni la violence qui pourrait revenir à la maison. Elle me donnait une "place maternelle complémentaire", en me demandant d'assumer ce qu'elle ne parvenait pas à faire (informer le garçon des questions concernant la naissance). Le père retournera peu après en prison pour délit de fuite après avoir causé un accident de voiture grave, alors qu'il roulait sans permis, et en état d'ivresse.Comment aider Benoît à se faire une place d'enfant, alors qu'il était "pris en otage" dans les problèmes de ses parents? Telle était la question qui se posait dès lors à la rééducatrice de Benoît, que j'étais.
Nous avons rapporté ces propos au chapitre VII, point 3-2-1.