3-3-7- La découverte des ressources de l'imaginaire culturel.

"Détour"de l'expression de soi, et fonction de mise à distance.

Le conte comme contenant et conteneur de l'expression de soi.

Seules les nécessités de l'exposé nous contraignent à envisager, d'une manière séparée, ce registre. Très tôt, lors de nos rencontres, j'ai proposé des contes à Benoît.

Nous avons déjà évoqué l'utilisation des histoires, refusées dans un premier temps par le garçon, acceptées ensuite, puis enfin, demandées. Ces histoires ont pu apporter au garçon le témoignage d'un imaginaire culturel, apparaissant comme non seulement sans danger, mais pouvant apporter également du plaisir. Il m'interrogera sur le lien entre imaginaire et réalité dans les histoires que nous découvrions ensemble: "Est-ce possible?" demandera-t-il à plusieurs reprises. Nous lirons des histoires, comme par exemple "Jacques et le haricot grimpant" 596 , proposé par la rééducatrice, "Les trois petits cochons" qu'il a choisi lui-même, et dont il ignore ostensiblement tout ce qui précède l'arrivée du loup. Dans le conte: "Le lion blessé" 597 , Benoît fera du "géant à deux têtes", une représentation du couple parental. Quand il se souviendra de l'histoire, lors de la séance suivante, il dira: "Le père et la mère vont disputer la fille pour sa négligence". Il semble que le conte ait pu jouer pour Benoît sa fonction de contenant et de conteneur, support "détourné" de l'expression de soi, de mise en mots de préoccupations intimes, et sa fonction de distanciation par rapport à cette expression. ‘ "Le conte est de l'ordre de la fiction. Mais c'est une fiction qui parle de soi. l'enfant s'y reconnaît sans s'y sentir démasqué, source de plaisir immense."(DARRAULT, 1995, p. 7).

Nous parviendrons à entrer dans un livre entier, "James et la grosse pêche" 598 , dans laquelle il trouvera du sens pour lui-même, faisant des liens entre l'accident mortel survenu aux "méchantes tantes", et ses propres pulsions agressives. Très intéressé par les sentiments de James à l'égard de ses tantes, il a semblé rassuré, découvrant ainsi, dans des personnages imaginaires, des peurs et des sentiments qu'il éprouve. C'est un des moments où les services sociaux envisagent concrètement un internat à son sujet. Il m'interroge:- Pourquoi elles sont méchantes comme ça ses tantes? C'est la "DDASS" 599 ? (James, le héros du livre, suite au décès de ses parents, est recueilli pas ses deux méchantes tantes). Il poursuit:- On dit que les enfants sont avec des barreaux, on les fait travailler, on les fouette...A ma question, il reconnaîtra qu'il ne le croit pas tout à fait, il se demande... Cependant, il a pu exprimer ainsi ses angoisses actuelles. Il a pu y découvrir également un imaginaire non dangereux, du domaine du rêve, une "parentalité de recours", comme la nomme Jacques LEVINE (dans cette histoire, ce sont les différents animaux qui aident James). Il y est sensible. (C'est cette dimension qui m'avait fait lui proposer cette histoire).

Je lis, le plus souvent, et il écoute, regardant les illustrations. Je m'aperçois qu'il lit parfois en même temps que moi, car il lui arrive de me reprendre lorsque j'ai changé volontairement un mot qui m'avait paru d'une compréhension difficile. Il acceptera quelquefois de lire (bien), mais il préfère écouter. (Mon objectif n'est pas l'apprentissage de la lecture). Benoît cherchera de lui-même à deviner la suite de l'épisode de la semaine suivante, mettant en œuvre ses capacités imaginatives et anticipatrices.

Notes
596.

Jacques et le haricot grimpant. Contes Enchantés. (1979). Fernand Nathan. (181-192).

597.

Le lion blessé. Contes Enchantés. (27-40).

598.

Roald DAHL (1979). James et la grosse pêche. Gallimard-jeunesse, Folio Junior, 138 p

599.

Direction Départementale de l'Action Sanitaire et Sociale.