Un processus en trois "phases"...

En suivant Marie-Ange dans les débuts de son processus rééducatif, dans le chapitre précédent, nous l'avions vue s'installer dans une relation symbiotique imaginaire, vis à vis de la rééducatrice. Nous avions pu argumenter de la nécessité et des apports spécifiques de cette période. Nous avons vu, ici, Marie-Ange changer de position, et parvenir, au sein d'une relation symbolisée, à une position de sujet.

Denis apporte un autre exemple de "bascule" de la position de l'enfant, de la transformation de la relation. Le cadre, dans sa fonction et ses effets, peut constituer un facteur déterminant de ce moment de passage. Si l'enfant ne l'a pas intériorisé dans un premier temps, il est "déjà-là", dès les premiers instants de la rencontre, sans discussion possible, et il insiste pour remplir sa fonction structurante pour l'enfant, lorsque celui-ci sera prêt à l'intégrer à son propre fonctionnement. C'est cela, peut-être, qui fait de la rééducation un processus "trouvé-créé" par l'enfant, un processus transitionnel, provisoire et transitoire. La castration de l'imaginaire par la parole, l'existence et la reconnaissance du tiers dans la relation, font, que cette relation rééducative devient une relation triangulaire, une relation symbolisée.

Denis, qui accepte désormais "le partage", "joue" entre imaginaire et principe de réalité, au sein même de ses "histoires" inventées.

Ismène, qui semble encore engluée dans une relation imaginaire avec sa mère, aborde en rééducation la triangulation d'une relation. Le cadre et ses limites, peuvent jouer le rôle de tiers dans cette relation, la fonction de "métaphore paternelle" et de castration symbolique. Cette "triangulation" pourrait se représenter par le schéma suivant.

Schéma : Le cadre, et la parole, comme "tiers", dans une relation rééducative symbolisée
Schéma : Le cadre, et la parole, comme "tiers", dans une relation rééducative symbolisée

Ismène peut désormais faire exister le tiers dans des histoires qui quittent le registre exclusivement pulsionnel, pour se symboliser. L'imaginaire symbolisé peut devenir pour Ismène une instance de réparation. La fillette nous a fait apercevoir la troisième phase de tout processus rééducatif. Elle n'y est pas encore installée, mais une brèche commence à s'ouvrir pour elle. L'histoire du livre peut devenir un tiers dans une relation qui s'ouvre vers le culturel. Ce partage du conte avec Ismène, comme ponctuation d'un jeu qui affirme son registre symbolique, constitue, peut-être, un moment de bascule pour la fillette, vers un devenir d'élève. Seule la suite de son processus rééducatif pourra nous en éclairer. Il lui faut, sans doute, cependant, d'abord bien ancrer et assurer sa position de sujet, dans la triangulation, au sein de la relation rééducative.

Il semble que le cadre rééducatif ait eu une fonction structurante, "des effets", pour Angélique et Alain, ce dont ils témoignent, chacun à sa manière. L'analyse de ce qui a pu se passer lors de situations de "rupture" ou de "défaut" du cadre, a permis de mettre en évidence des changements de place du rééducateur, qui se sont avérés opérants, dans la mesure où ils ont entraîné un changement de place de l'enfant. Si l'exemple de Benoît, comme nous l'avions annoncé, est un "cas limite" de rééducation, il n'en est pas moins significatif, dans son effet de loupe même, de ce qui peut se jouer entre les familles et l'enfant. Nous avons relaté 609 la demande de sa mère à Bernard , lors de notre première rencontre: "Tu me raconteras ce que tu fais avec la dame!".

"‘ Un environnement favorable permet la progression régulière des processus de maturation. L'environnement, toutefois, ne façonne pas l'enfant. Au mieux, il permet à l'enfant de réaliser un potentiel. ’"
WINNICOTT (1965, p. 45).

Notes
609.

Chapitre IX, point 2-4-2.