1-9- La pulsion tire dans toutes les directions, mais Nicolas semble aller vers une meilleure maîtrise de son énergie pulsionnelle. "Expérimentations", au sein d'une relation "suffisamment bonne".

Nicolas articule l'expression des pulsions agressives prégénitales: oralité et poison-dévoration, analité et "caca-grabouillage", registre phallique et le "serpent sauveur". Il construit l'histoire de sa rééducation.

14 ème séance. Nicolas reprend l'histoire de la séance précédente. Le serpent pique désormais le fantôme avec "sa langue pleine de poison" et le tue "pour de faux". Le fantôme détruit alors un serpent, et profère des menaces à l'égard d'un autre serpent: "Je te casse comme ton père, sale bout de rien! Je te mange tout cru si je te vois dans ta nourriture...Je te donnerai du poison."

Je signifie l'arrêt du jeu. Nicolas décide de dessiner, mais de ne pas raconter la même histoire.

Il dessinera le fantôme "plein de caca dessus parce qu'à cause il était méchant. Quand il y a des méchants, il pique du poison et ils sont devenus morts. Il a la langue pleine de poison. Regarde, on jette du caca sur lui parce qu'il était méchant. Il y a du grabouillage parce qu'il était méchant. Moi, je mets que des crottes sur le fantôme, du violet sur le serpent. Après, le serpent, il la mangera parce qu'il adore le caca, lui." Et il me demande: "Tu en as vu des serpents qui adorent le caca?" Je lui réponds que je ne pense pas qu'ils aiment cela.

N: - Moi j'en ai vu. C'est très loin dans la forêt. (Il colorie le serpent) Pas du caca sur sa figure. Il aime pas. Il adore le vert. C'est pas du caca. Il va le manger.

Lorsqu'il range la pâte à modeler, il déclare: "C'est notre histoire, ça."

L'histoire, créée un jour, est reprise, se modifie. Nicolas construit peu à peu "notre histoire", l'histoire de son processus rééducatif. Il m'associe de plus en plus à ses histoires, en faisant le lien entre les séances . Des thèmes d'oralité, d'analité, des thèmes phalliques se mêlent. Nous assistons au retour en force de thèmes du registre sadique-anal: "Je mets du caca partout sur le méchant." Dans le transfert, le fantôme me fait peur, mais le serpent vient me sauver. Tous deux sont animés par Nicolas. "Une main contre l'autre". Des thèmes issus du registre de l'oralité, sont repris dans ses deux aspects opposés: la nourriture et le poison, la vie et la mort. Le fantôme est une figure indestructible. Il survit à toutes les attaques, renaît de sa "fausse mort". Le serpent, lui, peut être détruit, cassé ou empoisonné, mais il en naît d'autres, ou bien comme dans cette histoire, il ne craint pas "le caca", et même, "il adore ça" (il le détruit en le mangeant). Cependant, dans un deuxième temps, après avoir soutenu le contraire, Nicolas prend en compte mon intervention soumise au principe de réalité , et modifie l'histoire en conséquence: "le serpent n'aime pas le caca" , et puis "ce n'est pas du caca". Nicolas est à la fois le serpent et le fantôme, symbolisant d'une manière plus affirmée encore, sa division de sujet.

Nous nous sommes référée à plusieurs reprises à WINNICOTT, dans l'analyse qu'il donne du développement de ‘ "la capacité de sollicitude de l'enfant". Dans le même article, cet auteur souligne que le fait d'être certain ‘ de "pouvoir donner et réparer", "permettent à l'enfant de vivre ses pulsions du ça avec de plus en plus de hardiesse et, en d'autres termes, le libèrent de la vie instinctuelle." ’ (1965, p. 36).