1-10- Affirmation de la différence des sexes et de la différence des générations. "Le fantôme est devenu une vieille sorcière".

Nicolas met en évidence l'importance de la métaphore paternelle dans l'organisation psychique de l'enfant. Expression de l'angoisse de castration: "le tout ou rien", et l'opposition fort/vieux, puissance/ impuissance, avoir le phallus/être castré.

La reprise des mises en scène avec les petits animaux, rapportés entre temps, conduit Nicolas, à partir d'une nouvelle "quête de lait", à affirmer la différence des sexes. Il fait dialoguer les animaux. Nous en donnons un court extrait:

- On veut du lait!

- Tu veux du lait? J'ai une énorme faim. J'ai soif.

- Moi je suis pas une maman, je suis le papa vache.

- On est tout trempés dans le lait.

Est-ce Nicolas qui est encore "tout trempé dans le lait de sa mère" et qui exprime ainsi ses difficultés à changer de position et de place dans la structure familiale? Les fonctions et les places des parents se confirment.

Il dira qu'il est "toujours obligé de prendre un bain" avec sa soeur, mais que sa soeur "n'a pas de zézette et n'en aura pas, même en grandissant".

Ainsi Nicolas signifie qu'il a renoncé à penser que le sexe de sa sœur deviendrait un jour comme le sien, qu'il grandirait avec elle. Il semble donc, par sa dénégation même, que Nicolas y ait adhéré, ou bien qu'il ait quelque difficulté encore à ne plus y croire. Cette croyance du garçon, qui lui fait attribuer à tous les êtres humains un pénis, est ce que FREUD (1907-1931, p. 14 à 27) décrit comme la première théorie sexuelle infantile.

Nicolas aborde notre seizième rencontre (16-01), en se plaignant de sa sœur qui pleure la nuit et l'empêche de dormir. Il finira par dire: "C'était mieux quand elle n'était pas là".

Nicolas reprend "le fantôme", et modèle "des serpents".

N: - C'est sa maison (la boîte). C'est le fantôme qui a peur du serpent... Il faut le faire gros parce que le serpent ils ont des queues un petit peu gros hein...hé, hé, hé! Deux serpents...

(Il continue de modeler)- Ca fera trois comme ça! (Il montre 3 doigts).....il y a beaucoup de papas: papa, papa, papa (il les montre du doigt l'un après l'autre)...1, 2...3. Celui-là c'est quoi? Attends: 1,2,3,4,5. (Un autre serpent est venu s'ajouter entre temps. On a donc bien 5 personnages). Fin. Les serpents ont gagné. Le fantôme est devenu un vieux fantôme, une vieille sorcière. Il peut plus faire de mal.

C'était mieux quand la soeur n'était pas née. La rivalité fraternelle est exprimée explicitement. L'affirmation, la revendication virile est nette: le serpent a "une queue un petit peu gros" et fait peur au fantôme, dès l'entrée. Pénis du père que le garçon envie mais qui lui fait un peu peur également parce qu'il se sent en infériorité par rapport à ce père? L'appel au père est fortement marquée, répétée trois fois par la désignation des trois serpents: "Il y a beaucoup de papas: papa, papa, papa!" : Les "papas-serpents sont morts pour semblant". Par contre, le fantôme, vaincu, se retrouve privé de sa force, castré, au sens littéral du terme puisqu'il se transforme par une première opération en "vieux", attestation de l'intégration par Nicolas de la différence des générations, mais par une deuxième transformation plus radicale encore, "en vieille sorcière", donc en femme, et en vieille femme, pour qu'il ne puisse y avoir de confusion de place ni de rôle avec la mère. Le choix de la "sorcière" peut à la fois renforcer cette distinction, mais aussi rappeler le rôle maléfique, au féminin, du fantôme. La transformation opérée se révèle ainsi d'une grande logique dans la construction du mythe. Et Nicolas d'ajouter, pour confirmer cette perte de tous ses pouvoirs par l'élément maléfique et viril, castré: "Il ne peut plus faire de mal.".

Ces oppositions, liées au fonctionnement phallique, seront reprises dans des mises en scène qui opposeront des personnages comme, par exemple, "Un qui veut faire la guerre et un qui veut pas faire la guerre".