2-1-2- Le jeu symbolique, un jeu cathartique.

Angélique représente, dans le jeu, les conflits autour de la nourriture. Elle tente de conjurer sa "peur du docteur".

Nécessité de disposer d'un espace de jeu pour représenter des angoisses, des peurs, des conflits vitaux, qui encombrent la pensée et la rendent indisponible à tout autre chose.

Selon son scénario, elle est le docteur, et soigne le bébé (la poupée), dont je suis la maman. - Tire la langue, bébé, je sais que t'as pas faim, mais t'es obligée de manger, autrement tu vas mourir. (Aparté vers moi): Il vomit... Regardez, il a avalé sans mâcher, ...des tomates...

Si cette scène autour d'une menace, d'un refus et d'une régurgitation de nourriture est sans doute une scène qu'Angélique connaît bien, elle met en place ici un jeu symbolique dans lequel elle exprime des conflits vitaux pour elle.

Angélique (1). Une famille.
Angélique (1). Une famille.

En arrivant, un autre jour, Angélique me demande: "Qu'est-ce qu'on nous fait à la visite médicale?" Après avoir pris, puis abandonné deux activités possibles, elle se définit comme le docteur de la poupée qui est malade. Il faut emmener celle-ci à l'hôpital. Angélique lui "coupe la langue", lui "donne un coup de marteau", lui fait une piqûre, lui ouvre le ventre "pour regarder le sang". Elle termine en disant: "Je suis l'infirmière, je suis pas méchante". Son père arrive à ce moment-là pour la conduire à la visite médicale de l'école. En partant, Angélique affirme: "J'ai pas peur de la visite médicale".

Ainsi, Angélique utilise l'espace rééducatif pour représenter ses peurs, ses angoisses. En les rejouant sur la scène symbolique, elle ne s'est peut-être pas complètement rassurée, mais elle a pu mettre elle-même des mots sur cette peur, au sein du jeu, en projetant cette peur sur la poupée. Il était impératif pour elle de pouvoir jouer ce jeu, de disposer de cet espace, à ce moment-là. La preuve en est son impossibilité d'entreprendre quoi que ce soit d'autre. Sa pensée n'était réellement pas disponible pour autre chose. C'est dire l'importance du jeu en rééducation, qui est quelque chose de tout à fait sérieux pour l'enfant. ‘ "En rééducation, personne ne joue. Ou plutôt, ce que joue l'enfant, c'est son passé, son présent, et ce faisant son avenir" ’, affirmait Alain BONY à Besançon (1989, p. 3). Cependant, est-ce que le fait de jouer et rejouer les angoisses et les traumatismes, est suffisant? Autrement dit, l'effet cathartique du jeu peut-il suffire pour s'en libérer?

Des thèmes, qui subiront un important développement ensuite, sont à peine esquissés, dans ce jeu. Ce sont les signifiants "sang" et "ouvrir le ventre". Pour l'instant, seule Angélique en connaît l'importance pour elle.