"J'espère qu'elle va pas mourir". "Je crois qu'elle va mourir".

"Le bébé, il était très malade, je me rappelle", dit-elle en arrivant. "J'espère qu'elle va pas mourir". Elle me demande d'écrire au tableau, et me dicte: "J'espère qu'elle va pas mourir, parce que je l'aime bien et c'est encore un bébé et quand on meurt c'est triste." Elle me demande alors, pour la première fois, de jouer ce scénario avec elle.

Angélique établit des liens entre les séances, et construit l'histoire de son processus rééducatif. Le signifiant "sang" prend une première place dans tous les jeux de cette période.

La fillette accorde une grande place à l'écrit. Cette place sera confirmée par l'ensemble de son processus. Il s'agit d'abord de l'écrit de la rééducatrice, scribe qui rapporte, qui renvoie, qui conserve ses histoires. Cet écrit "médiateur" la conduira à vouloir écrire elle-même. J'avais pris en note sa première histoire, et elle n'avait pas voulu que je la lui relise. Trop de pulsionnel, sans doute, trop d'émotion, y étaient attachés. Depuis, elle s'est enquise à plusieurs reprises, si j'avais bien noté ce qu'elle avait dit. Ici, elle me dicte ce que je dois écrire. Est-ce la manifestation d'une capacité nouvelle pour elle, de prendre de la distance par rapport aux manifestations de la pulsion, en utilisant le double symbolisme de la parole qui fait trace ? Est-ce la valeur toute particulière de l'écrit, dans ce contexte de jeu, qui appartiendrait à un registre impératif, incontestable, du registre de "la vérité", comme le serait une ordonnance de médecin? Il semble qu'Angélique confère ici, de plus, une valeur de conjuration à cet écrit, par rapport à ce qui pourrait arriver.

Dans le même temps, la fillette invite la rééducatrice à entrer dans son jeu à une place de partenaire symbolique.

La question de la mort des personnes que l'on aime, la question de sa propre mort, est nettement posée par Angélique.