1-2-2- Récit, "mémoire". Du processus rééducatif à l'élaboration de son histoire.

La suite des "petites histoires" se constitue en un récit du processus rééducatif, dont "la mémoire" est confiée à la rééducatrice. Ce récit est utilisé par l'enfant pour construire sa propre histoire.

Alex reparlera de cette histoire, quelques mois après, alors qu'il recommence le Cours Elémentaire première année. Il me demande alors si je m'en souviens, et il la raconte à nouveau, quasiment mot pour mot. Cet événement signe, sans doute, l'importance pour lui de ce récit, à ce moment-là de sa construction personnelle. Nous avons eu l'occasion de noter cette réaction chez certains enfants, dont nous avons relaté ici, des moments de leur parcours rééducatif. Ce fut, par exemple, Angélique, dont nous avions noté qu'elle avait repris à la rentrée, comme le font la plupart des enfants, une histoire commencée avant les grandes vacances. C'est également ce qui arrive fréquemment, lorsque l'enfant demande tout à coup au rééducateur: "Tu te souviens quand je m'étais déguisée en mariée?" (Angélique), ou quand j'avais fait tel dessin à la peinture? C'est aussi ce qui préoccupe l'enfant lorsqu'il demande ce que deviendront ses dessins, lorsque l'on ne se rencontrera plus. Ismène me fera promettre de "les garder toujours, toujours"...Nous avions relevé la remarque d'Angélique, s'enquérant si j'avais tout noté. Certains enfants vérifient, font relire, rectifient ce qui a été noté, ou reproduit par la rééducatrice sur sa feuille, s'il s'agit d'un dessin au tableau. D'autres, veulent revoir leurs dessins dans la pochette qui les recueille, et se remémorent, voyant se dérouler, là sous leurs yeux, un pan de leur histoire, consciente et inconsciente, qui les aide à se construire. Le rééducateur est le témoin de cette histoire. Il en est aussi le gardien, le garant, celui qui en a inscrit et conservé la trace, séance après séance.

L'enfant se reconnaît dans ces histoires, il en est fier, et leur trame devient un récit qui le constitue lui-même. ‘ "...le bénéfice est d'ordre cognitif, d'une intelligibilité réflexive qui a comme bénéfice subsidiaire de permettre une estime de soi sans laquelle il n'y a pas d'estime de l'autre..."Je" s'assume et se place"(CIFALI,1996, p. 133). Nous avons relevé, chaque fois, la fierté de l'enfant à la lecture de ses "histoires".

La symbolisation, cependant, n'est pas suffisante pour se détacher complètement de ses préoccupations, pour que la pensée soit véritablement disponible pour d'autres investissements. Un travail de distanciation est nécessaire. L'écrit peut constituer un outil privilégié de cette mise à distance.