1-3-2- "A l'aide!" Des phylactères et des mots inscrits, qui accompagnent le dessin.

Sans être une règle intangible, les enfants abordent souvent l'écrit, en rééducation, par "les bulles", les phylactères, qui sont les paroles des personnages représentés. La raison peut en être que l'enfant, jeune, maîtrise mal l'écrit, ou bien que, plus grand, il lui soit nécessaire d'apprivoiser celui-ci, "à petite doses". L'apparition de l'écrit dans les dessins de l'enfant, signe souvent l'intérêt de celui-ci pour la lecture, et l'évolution de sa capacité à s'inscrire dans les apprentissages.

Nous évoquerons deux dessins d'enfant, dont la spécificité est qu'un seul mot en change la portée.

Nous avons eu l'occasion, à plusieurs reprises, lors de la restitution de processus rééducatifs, de souligner que l'implication subjective de l'enfant dans son processus rééducatif ne coïncidait que rarement, dans le temps, avec sa décision de faire sa rééducation, même si cette décision en était une anticipation nécessaire 643 . Nous reproduisons ici, un dessin de Catherine, huit ans, réalisé lors de notre sixième rencontre, à un moment difficile à vivre pour elle. Ce dessin est accompagné de ce commentaire:

" C'est un homme, dans un bateau. Sa femme et sa fille sont au bord de l'eau. Il est seul, l'ancre s'est décrochée, et il va peut-être se noyer parce qu'il ne sait pas nager...Il crie: "A l'aide!..." ".

Catherine (1). "A l'aide!..." "C'est un homme, dans un bateau. Sa femme et sa fille sont au bord de l'eau. Il est seul, l'ancre s'est décrochée, et il va peut-être se mnoyer, parce qu'il ne sait pas nager...Il crie: "A l'aide!..."

Un mot est prononcé, capital: "A l'aide!". Je ne ferai aucun commentaire à la fillette sur un rapprochement possible entre cet homme et elle, mais elle vient de dire qu'en ce moment, en classe, elle a le sentiment d'être noyée, que "tout s'embrouille dans sa tête", dit elle. Elle ne sait pas encore "nager", dans la classe, et elle a besoin d'une bouée...Nous pourrons, par contre, parler de sa difficulté actuelle, dans la classe, et du "mal-être" qu'elle en ressent.

Nous avons choisi d'apporter un autre exemple, à partir d'un dessin poignant, et bien plus "parlant" qu'un long discours.

C'était la septième fois que nous nous rencontrions, avec Alex. Ce dessin a été commenté par le garçon. Il vient de réussir parfaitement un contrôle de mathématiques, dans la mesure où son enseignante est restée à côté de lui pour lui lire les énoncés. Nous venons d'évoquer ses grandes difficultés en lecture. Il m'explique: " C'est comme si j'avais une énorme échelle devant moi et que j'arrive pas à passer le dernier barreau. J'essaie, j'essaie, mais j'arrive pas.". Je lui propose alors de dessiner cette échelle. Contre quoi l'appuierait-il? Il entreprend alors son dessin:

" L'échelle est contre un livre. Dans le livre, il y a toutes les lettres et tout... Sur la couverture du livre, il y a un bateau, avec des livres qui s'envolent.". Alex compte alors les barreaux, un à un: "J'ai passé vingt trois barreaux. Il reste le plus dur et le plus facile, parce que je saurai presque tout.". Il se dessine alors, tout petit, sur le troisième barreau, presque au sommet de cette très grande échelle...Sur "l'objet" en question, source des préoccupations scolaires intenses, est écrit "lecture".

Alex (2). "J'y arrive pas..." "C'est comme si j'avais une énorme échelle devant moi et que j'arrive pas à passer le dernier barreau. J'essaie, j'esaaie, mais j'arrive pas. L'échelle est contre un livre. Dans le livre, il y a toutes les lettres et tout... Sur la couverture du livre, il y a un bateau, avec des livres qui s'envolent. J'ai passé vongt trois barreaux. Il reste le plus dur et le plus facile, parce que je saurai presque tout."

Nous avons longuement parlé de ses difficultés en lecture, et de ce qui pourrait l'aider, à présent. Il me semblait qu'une aide qui se centrerait sur la lecture, aide complémentaire à la rééducation, pourrait répondre à la demande explicite d'Alex. Il était d'accord, et il a été possible de l'intégrer dans un groupe de lecture mis en place par le maître spécialisé de l'aide à dominante pédagogique. Il en a tiré le plus grand profit.

Alain, comme Ismène, ont manifesté de leurs nouvelles capacités de maîtrise de leurs tensions pulsionnelles et de leur imaginaire, en accompagnant leurs dessins et leurs jeux d'un écrit qui s'étoffe, et qui intègre des préoccupations "scolaires".

Notes
643.

...et que son "oubli" a des effets, comme nous l'avons rapporté à propos de Kevin.