2-5-Reconstruction. Affirmation identitaire.

Expression métaphorique d'une identité qui intégrerait les manques.

Kaled choisira de dessiner à nouveau. Le travail s'effectue en silence. Je le vois qui regarde de temps en temps le mur qui se trouve situé derrière moi, sans que je puisse comprendre vraiment ce qui se passe. Un homme prend forme. Lorsqu'il a terminé, je m'informe sur l'identité du personnage. Il dit ne pas savoir, mais s'être inspiré d'un dessin accroché au mur. Celui-ci représentait une femme, vêtue d'une longue robe, et portant un panier sur la tête.

C'est une transformation surprenante. Kaled dit "avoir vu un cow-boy". "Mais je l'ai raté", ajoute-t-il. Je lui renvoie qu'il a par contre très bien réussi le portrait d'un homme.

Bien que l'expression n'existe pas vraiment, puisque l'on évoque habituellement des "lapsus lingae" ou des "lapsus calami", il s'agit apparemment ici d'un phénomène similaire de rupture de la codification qui se serait produite à son insu, comme dans les processus de création. Ce pourrait être une formalisation‚ une élaboration des formes données à la pulsion, sous la forme d'un "lapsus graphique"?

Ce dessin est-il une nouvelle étape vers la recherche d'identité et d'affirmation de soi de la part de Kaled? Il a bientôt onze ans. L'homme figure une image virile: il arbore une barbe, et une moustache imposante. C'est aussi une image culturelle: il porte la chéchia, la "main de Fatma" au cou. Le cheveu est noir...Il y a loin, de cette représentation, au cow-boy …Cette image "ratée" d'un "cow-boy ", est une représentation réussie de l'image virile d'un maghrébin. L'image reste chaotique cependant. Les couleurs choisies, contrastées et se différenciant selon un axe vertical, accentuent la dissymétrie des membres. Kaled est hémiplégique du côté gauche. Il boîte et utilise difficilement son bras gauche. Cette "panne" de la couleur rappelle étrangement le coloriage non terminé de la voiture et lui donne sens rétrospectivement. Cependant, un déplacement s'est produit sur un personnage humain, qui s'affirme comme homme. Kaled a réussi à exprimer, d'une façon métaphorique, une certaine acceptation de soi, ainsi que de ses manques. Cette expression marque la fin d'une période d'illusion, dont elle élabore le deuil. Elle inaugure en contrepartie une phase pendant laquelle quelque chose va pouvoir se reconstruire.

Kaled (2) Affirmation identitaire.
Kaled (2) Affirmation identitaire.

L'évolution de Kaled se confirmera et se précisera, se transférant sur l'ensemble de son activité, et deviendra sensible, dans le contexte de la classe.