Trois dimensions du transfert: transfert interpsychique, transfert intrapsychique, objet transféré. Sublimation.

Le transfert entre l'enfant et la rééducatrice, comme le transfert de chacun des partenaires de la relation rééducative, a joué une fonction dynamique dans le travail d'élaboration. Kaled a pu retrouver au sein d'une relation contenante et sécurisante, certains aspects d'une relation duelle symbiotique, dans laquelle les affects peuvent s'exprimer, sans danger. Les propres résonances psychiques de la rééducatrice, lui ont permis d'être touchée par ce que vivait le garçon, et d'être prise par une émotion qui faisait lien entre eux . Si le transfert interpsychique a pu être opérant, une deuxième opération psychique a été nécessaire.

A partir de l'étude du rêve et des phénomènes de condensation et de déplacement, FREUD (1915-1917, p. 422), a mis en évidence le transfert intrapsychique , ou opération d'élaboration des représentations. C'est un déplacement d'une valence psychique 658 d'une représentation sur une autre. Cette forme de transfert concerne la dynamique et l'économique d'un fonctionnement intra-subjectif. Le désir inconscient s'exprime et se déguise sous forme de fantasmes, et de symptômes Ce transfert met en évidence ‘ "l'importance des symptômes en tant que satisfaction libidineuse substitutive"(FREUD, 1915-1917, p. 422). La sublimation peut être considérée comme une forme de transfert intrapsychique, en tant qu'elle est une motion qui suppose un changement d'objet et de but qui soit socialement reconnu 659 .

Jean-Paul VALABREGA 660 évoque une troisième dimension du transfert: celle de "l'objet transféré", tiers médiateur . Le conte, objet tiers, objet médiateur, par les résonances qu'il entraîne dans le psychisme des deux interlocuteurs en présence, semble bien pouvoir être considéré comme un objet tiers qui fait lien entre eux, mais également qui les sépare, acquérant ainsi son statut plein et entier d'objet symbolique. L'objet issu de l'imaginaire culturel, comme le conte, le mythe, mais également l'objet issu de l'imaginaire personnel de l'enfant, acquièrent une existence indépendante de la pensée "privée" de chacun des partenaires, et devient "un tiers" dont la vicariance ouvre sur l'extérieur, sur le monde culturel. L'observation clinique montre que, pour l'enfant rééduquant, cette ouverture est une ouverture aux apprentissages de la classe.

Sans interprétation, sans clarification ou renvoi particuliers concernant ce que joue l'enfant, on peut constater que le travail d'élaboration se fait la plupart du temps de lui-même, à l'intérieur du psychisme de celui-ci. La condition est qu'on lui offre un cadre favorisant, incitatif et protecteur, pour cette élaboration. Le mécanisme de cette élaboration semble être constitué, en particulier, de déplacements, de constructions successives, de symbolisations, de sublimation. ‘ "Le processus d'auto-guérison est très fréquent, affirme Jacques LEVINE, et il suffit de l'accompagner sans chercher à l'interpréter...faire confiance (...) à la capacité de l'enfant de trouver son chemin dans ce travail de réélaboration." ’ (LEVINE 1993-1, p. 20).

Les contes offrent à l'enfant une réserve d'émotions, d'affects, d'images, déjà symbolisées, déjà élaborées. En créant des liens symbolisés entre son histoire personnelle et les histoires qu'il rencontre dans les livres ou qu'on lui raconte et qu'il rejoue, qu'il s'approprie, en articulant les événements de son histoire avec des récits culturels, l'enfant peut découvrir un monde qui ne lui est pas étranger. Lorsque cet écrit entre en résonance avec ses préoccupations, il peut l'aider à élaborer pour lui-même des réponses inédites à ses propres questionnements. L'imaginaire culturel, sous la forme de contes et d'histoires, est un support et une ressource, pour aider l'enfant à passer de l'histoire événementielle au récit, ce dernier supposant une construction.

Notes
658.

ou quantité d'investissement.

659.

Nous avons abordé à plusieurs reprises ce concept de sublimation. Nous avons analysé en quoi la sublimation, "transmutation de l'énergie libidinale.", peut être un des "destins" de ce qui n'est pas déchargé, ou refoulé de la pulsion. Nous avons analysé les relations de la sublimation avec les différentes castrations symboligènes, en nous référant, principalement, à Françoise DOLTO.

660.

Jean-Paul VALABREGA (1980), en particulier, dans le chapitre: L'objet -transfert, p. 202 à 205.