2-7- Les puzzles. "Tâtonnement expérimental" à la recherche de soi.

Conduites et positions "régressives".

Affirmation du besoin de maîtrise sur sa propre vie.

"Le tiers" peut exister dans la relation.

Le "blocage" vis à vis de l'écrit semble dépassé.

La mère demande justement à me rencontrer. Elle est seule. Avec toutes les précautions possibles, j'évoque avec elle le questionnement possible de Frédéric à propos de la mort de son père, je lui demande si cela se produit, où en sont les choses. Elle décrit son fils comme "écorché vif" et rapporte que, justement, (nous sommes le 12 octobre), elle se demandait comment allait se passer le premier novembre avec Frédéric et sa sœur, qu'elle n'avait jamais encore, emmenés au cimetière. Elle admet que son fils "rentre tout" et tente de la protéger, sans doute:- Moi, je dis ce que j'ai à dire, mais pas lui, c'est vrai, il "rentre" beaucoup et il ne veut pas me faire de peine, c'est vrai. Sa maman, c'est tout pour lui. Elle se déclare décidée à aborder le sujet avec Frédéric, "dès que l'occasion se présentera".

Le fait d'avoir eu cet entretien hors de la présence de Frédéric avait l'avantage, me semble-t-il, de laisser la mère libre de faire cette ouverture à son fils, et au moment le plus propice, selon elle.

En séance, Frédéric se lance dans les puzzles, et il me demande d'en faire un avec lui. Il est très intéressé, actif, et réussit bien. Il m'apporte, à la même époque, un dessin de vendanges, qu'il a manifestement mis beaucoup de temps à réaliser chez lui. "Il faut être patient pour faire des dessins...et moi je suis pas patient", souligne-t-il. Il avait d'ailleurs annoncé la préparation de ce dessin une ou deux séances auparavant. Frédéric est très fier du résultat. Il est vrai que son dessin est très élaboré, très minutieux, et coloré.

Si nous analysons où en est Frédéric de son processus rééducatif, nous constatons qu'il aborde l'échange, la création commune dans un plaisir partagé. Ce n'est pas rien, au niveau symbolique, un puzzle! N'est-ce pas celui que nous tentons de réaliser ensemble pour "recoller" les morceaux de sa vie? Frédéric commence à organiser son temps de séance. Il est manifestement plus à l'aise, et éprouve du plaisir à prendre en mains ses activités. Le don de son dessin, dont il souligne l'investissement et l'importance des efforts, s'inscrit dans un échange symbolique. C'est en quelque sorte un "paiement symbolique", de mon travail avec lui, fait de sa propre initiative. Le travail de valorisation et de restauration du Moi se poursuit.

Nous sommes à la mi-novembre . La mère, entrevue à peine, m'a simplement dit qu'elle n'a pu parler à son fils. Suit une période pendant laquelle Frédéric fait à nouveau "n'importe quoi". Il ne respecte plus les règles de séance admises jusque là. Il semble dans une phase "régressive". Cependant, des thèmes phalliques émergent. Il modèle "un chien" et m'annonce:- Faut pas regarder! Vous allez rigoler...j'en suis sûr...ou vous allez pleurer, mais ce sera ma faute...tant pis! regardez, il fait pipi!

L'expression pulsionnelle domine, comme pour un dernier "baroud d'honneur", avant de pouvoir être assagie. N'est-ce pas, également, pour Frédéric, à partir de thèmes nettement phalliques, affirmer son besoin de maîtrise, son besoin d'emprise sur le monde et sur lui-même? N'est-ce pas affirmer qu'il ne veut plus être "un jouet" qu'on lave, habille et couche, mais un sujet qui se "prend en mains", responsable des rires ou des pleurs de l'autre, responsable de sa propre vie? "Tant pis si vous pleurez", dit-il à travers moi, dans le transfert, à sa mère.

Frédéric racontera qu'il a lu un livre: "un chien qui cherchait un ami". Il veut écrire un texte. Il demandera à écrire d'autres textes au cours des séances suivantes.

Même s'il éprouve toujours des difficultés réelles de réalisation de l'écrit, le "blocage" semble levé. Désormais il demande à écrire, de plus en plus souvent. Il prend de plus en plus conscience de lui-même, de ses difficultés, mais également de ses réussites.