4-1- "Un départ!"

Angélique décide de construire un cerf volant, à partir d'une feuille de papier, qu'elle coupe en deux, en triangle, et me demande mon aide. Elle accroche une ficelle, puis décide de le décorer. Voici ce qu'elle raconte: La mer. On dirait que c'est loin. C'est le coucher du soleil. On dirait que c'est un bateau. Sur le bateau, il y a une dame, parce que j'arrive pas à faire les messieurs. Elle a les cheveux longs. Elle va où elle était avant, au bord de la mer. Elle a très chaud et elle transpire. Mais elle va pas se baigner parce qu'il y a des requins, et elle veut pas mourir. Quand elle va arriver, il faudra qu'elle saute, parce qu'il y a des piranhas au bord. Elle va se faire grignoter un bout du pied, la pauvre petite dame. 

Angélique demande à emporter son "cerf-volant".

Ce dessin de départ "d'une dame" "pour retourner d'où elle vient", coïncide avec l'annonce de mon propre départ, et avec celui d'un arrêt de la rééducation, que nous venons d'évoquer ensemble. "La mer" est très loin. La prégnance du thème d'une relation mortifère à la mère, pendant une majeure partie de nos rencontres, peut inciter à faire ce rapprochement. La fillette est passée, désormais, à tout autre chose, et ce thème n'est plus dans ses préoccupations. Elle en est loin, elle-même. La dame peut partir, Angélique n'en a plus besoin. Cependant, son voyage, plein de dangers, montre qu'on ne part pas sans déclencher de l'agressivité chez l'autre. Elle y laissera même l'extrémité de son pied. On ne part pas sans rien laisser derrière soi, sans "emporter de la terre sous ses souliers", et sans perte. Mais le bateau est lui-même dessiné sur un cerf-volant, dans un symbolisme de départ redoublé. On peut remarquer qu'une ficelle retient quand même ce cerf-volant. C'est elle qui garde la ficelle, un lien, comme un cordon ombilical qui n'est pas complètement coupé encore. De plus, elle emporte, avec mon accord, son "cerf-volant", me laissant, comme un symbolon, moitié de poterie, la deuxième moitié du triangle.