Le rééducateur s'adresse au sujet divisé. Il accueille l'inconscient de l'enfant sans l'interpréter, et respecte les défenses du Moi. La réalité conserve ses droits. Il oeuvre pour que l'adaptation sociale, pour que "le devenir" de l'enfant soient possibles. Le Moi de l'enfant s'en trouve renforcé. Le rééducateur analyse ses propres réactions inconscientes au sein de la relation.

Le sujet est mu et divisé par son conscient et par son inconscient. La rééducation, plus que les activités pédagogiques, par le cadre et les médiations mis en place, par le transfert, favorise l'émergence du ça et de ses pulsions, et ce qui ressort du registre de l'inconscient. Le rééducateur accueille le sujet de l'inconscient, ou plutôt le sujet divisé entre son conscient et son inconscient, comme il l'est lui-même. Dans le jeu, dans les dessins, l'enfant exprime ses fantasmes, à son insu‘ . "Tout acte manqué est un discours réussi" ’, rappelle Pierre REY (1990, p. 105). Lapsus, rêves, actes manqués, symptômes, constituent autant de surgissements de l'inconscient que tout sujet vit d'une manière ordinaire, habituelle, normale.

Le rééducateur a besoin de parler dans un lieu tiers, d'analyser, les émergences inévitables de son inconscient dans la relation, de son transfert en particulier, il a besoin de parler d'un vécu professionnel quelquefois difficile.

On a pu dire à de nombreuses reprises que le rééducateur travaille "aux frontières" de l'inconscient et du conscient, du Moi social et du Ça. Il respecte les défenses du Moi, mais tente de les contourner afin que d'autres voies soient découvertes, rendues possibles. Au contraire du psychanalyste qui vise à la déconstruction, le rééducateur est au service de la maintenance du construit de l'enfant, il se situe résolument du côté de la pulsion de vie, même s'il doit pouvoir accueillir aussi la pulsion de mort quand elle se fait entendre, et il vise à la poursuite de cette construction, et à la (re)construction de l'enfant par lui-même.

Un des objectifs rééducatifs, est que l'enfant maîtrise un peu mieux au niveau de son Moi, considéré par FREUD comme une instance de régulation, et le siège de la sublimation, ce qui ressort à son insu de son inconscient, et qui entrave ses processus de représentation, sa pensée, son mouvement vers les autres et les investissements scolaires. Afin que cette maîtrise ne soit pas mutilation psychique, il est nécessaire que ce qui était si difficile, tellement contenu à l'intérieur du psychisme et du "ça" ne soit pas trop violent, ait donc pu s'exprimer, s'élaborer. L'important est qu'il le fasse sans boucher, sans obturer des voies, en préservant une ouverture. Dans l'agir des jeux, par la relation elle-même avec un adulte, l'enfant va être renforcé dans son Moi, revalorisé narcissiquement, d'une manière qui lui sera utile pour affronter la réalité sous toutes ses formes, qu'elle soit familiale ou scolaire. Réassurance, récupération d'une maîtrise relative sur le monde, le Moi imaginaire plus fort, plus cohérent, peut puiser les ressources nécessaires à ses investissements des objets et des personnes. Angélique, Nicolas et les enfants rencontrés ici, nous ont montré ce processus à l'œuvre, et ses effets.

Un va et vient entre réalité et fantasmes est nécessaire à la construction de la pensée. L'espace-temps rééducatif ne se situe pas, résolument, en dehors de la réalité, comme le fait la psychothérapie analytique. Au contraire, même si son cadre dans son ensemble protège le processus rééducatif de l'enfant des pressions et des exigences scolaires, l'inscription du rééducateur dans le lieu institutionnel de l'école, le même que celui de l'enfant, est forte. L'objectif rééducatif est un objectif de réalité. Le rééducateur vise à aider l'enfant à avoir plus d'efficience sur la réalité, dans sa vie d'écolier, dans sa vie sociale et cognitive. Ce n'est pas le rééducateur qui, par un système d'enquête, va vérifier si les dires de l'enfant sont "vrais". Peu importe. Ce qui compte, c'est ce que l'enfant en rapporte, en vit. C'est donc l'enfant qui va peu à peu faire ce lien, au rythme auquel il le jugera bon, ou qui lui sera nécessaire, et possible. Il est cependant indispensable que l'enfant, peu à peu, sépare, différencie, principe de plaisir et principe de réalité, processus primaires et processus secondaires, imaginaire et réalité. Il est important pour l'enfant que son registre imaginaire puisse se déployer d'une manière cohérente et non dangereuse, qu'il y ait accès lorsque la situation le nécessite ou le permet. L'intervention du principe de réalité est nécessaire également pour que se poursuive la construction des processus secondaires, des représentations afférentes, et du "Je" de l'enfant. Les processus de refoulement qui se poursuivent dans l'élaboration par l'enfant de sa névrose infantile contribuent à ce que se construisent des sublimations qui lui ouvriront le champ de l'humain. Il en va de l'inscription sociale et culturelle de l'enfant.

Oeuvrer pour le refoulement et la sublimation, c'est être du côté de la construction et non de la déconstruction, c'est donc se situer dans une position opposée à celle du psychanalyste.