Le rééducateur est un partenaire symbolique, mais il se trouve également mis en place de partenaire imaginaire, dans le jeu de l'enfant.

Le rééducateur joue avec l'enfant, lorsque celui-ci l'y invite, car il veille à ne pas faire intrusion dans un jeu dans lequel il est bon pour l'enfant d'être seul, même si c'est "seul en présence de quelqu'un", comme le théorise WINNICOTT (1958).

En général, l'enfant situe la scène du jeu théâtral, définit les personnages, le déroulement général de l'action. Il est le metteur en scène. Mais il est bon parfois que le rééducateur garde une marge de liberté par rapport au personnage, dans ses paroles par exemple. Il n'est pas une marionnette de l'enfant. Ses interventions, ses réactions personnelles en tant que personne dans le jeu, apportent l'ouverture, l'écart, la rupture, quelquefois, par rapport à ce que l'enfant attendait dans sa répétition, et permettent à celui-ci de dépasser des positions dans lesquelles il s'enlisait.

Le rééducateur est partenaire symbolique de l'enfant. Garant du cadre, référé à la loi, inscrit lui-même par la construction de ses processus de pensée, dans des processus secondaires qui font intervenir l'ordre symbolique, cette position de partenaire symbolique lui permet d'aider l'enfant à donner du sens à son jeu, à l'inscrire à son tour dans la parole et dans le symbolique.

Cependant, la restitution et l'analyse des rencontres rééducatives, ont mis en évidence qu'il est nécessaire également pour l'enfant, à un moment donné de son processus, de considérer le rééducateur comme un partenaire imaginaire. Pour représenter son histoire, pour que celle-ci se déroule, l'enfant a besoin de projeter ses affects, ses émotions sur le rééducateur. Il a besoin que celui-ci les reprenne à son compte, d'une certaine manière. Dans le jeu, et dans le transfert, le rééducateur peut être "parent de recours" pour l'enfant, dans le sens que Jacques LEVINE donne à cette fonction. L'enfant peut alors réparer des relations attaquées, entamées, fissurées, avec les adultes, enseignants et parents. Par un jeu d'identifications réciproques, dans des changements de rôle, l'enfant peut vivre d'autres places, d'autres rôles, d'autres émotions, et, les faisant vivre à l'autre, retrouver une certaine maîtrise sur les événements de son histoire familiale ou scolaire. Tous les rééducateurs ont été à maintes reprises de "mauvais élèves très sots" qui se faisaient gronder par une petite fille, "maîtresse" de cinq ans, terrible de sévérité, au cours du jeu symbolique "de la maîtresse". Nous avons rapporté des exemples qui appartiennent à ce registre.

Pour le rééducateur, toute la question est de régler, d'ajuster sa distance par rapport au jeu. Trop de distanciation ne lui permet pas de partager les émotions de l'enfant, bloque ses propres processus transférentiels et donc sa compréhension de ce que vit cet enfant, et de ce qui se joue. Trop peu de distance, le "collage" de l'adulte dans le jeu avec l'enfant ne lui permet pas de "récupérer" la situation quand celle-ci devient dangereuse pour celui-ci, quand les pulsions surgissent, quand les émotions envahissent son psychisme, le submergent, et risquent d'enfermer l'un et l'autre dans une relation mortifère. En se référant à WINNICOTT (1971), on peut dire que l'enfant est dans le "play", tandis que le rééducateur est toujours nécessairement dans le "game", c'est-à-dire dans un jeu qui intègre ses propres règles, qui s'y réfère. On peut dire encore que l'adulte sait toujours qu'il fait semblant, "un semblant de partenaire imaginaire."