En reconstruisant son histoire, l'enfant "s'auto-répare" et reconstruit le substrat nécessaire aux apprentissages.

La mise en regard des diverses élaborations de l'enfant, dans son processus rééducatif, avec les analyses de la deuxième partie de cette recherche, permettent d'affirmer que l'enfant, tout en "re-construisant" son histoire, restaure, consolide et élabore, les ressources nécessaires, préalables et capacités, pour s'inscrire dans la culture, la collectivité scolaire et les apprentissages.

Nous avons pu établir le lien entre la constitution d'une identité suffisamment séparée, et la possibilité pour l'enfant de quitter son milieu familial, pour entrer dans le monde scolaire, et s'y adapter d'une manière créative.

Il semblerait que la construction de cette histoire soit articulée avec l'élaboration des capacités préalables nécessaires pour pouvoir apprendre.

Les analyses de la deuxième partie de cette recherche, nous ont appris que:

La construction de son identité, par le sujet, est un processus créatif.


En (re)construisant son histoire, en lui donnant du sens, en la "désencombrant" de préoccupations trop envahissantes pour la pensée, l'enfant "s'auto-répare" et (re)construit son identité d'enfant.
1- Il faut voir répondu pour son propre compte aux grandes questions de la vie, c’est-à-dire avoir élaboré ses propres théories sexuelles infantiles, sa névrose infantile, et son “mythe individuel” qui est reconstruction de sa propre histoire en lui donnant du sens, en l’inscrivant dans le temps; il faut en avoir fait un récit dans lequel "le Je" se reconnaît, pour pouvoir créer et pour pouvoir apprendre.
Se (re)trouver dans son histoire singulière, y prendre des repères par rapport au passé et au présent, lui donner du sens, revient à construire son identité personnelle et sociale. C'est aussi la condition fondamentale pour pouvoir se projeter dans l'avenir. C'est se donner les moyens de s'inscrire dans la vie sociale et dans la culture. Ce récit permet au sujet de se séparer des événements vécus, de symboliser cette séparation et ces événements, d’abstraire, donc de se distancier, et de sublimer, c’est-à-dire de reporter son désir sur d’autres objets, culturellement reconnus.
Pour pouvoir s'adapter et s'inscrire dans un nouveau contexte, l'enfant doit bénéficier de liens sociaux satisfaisants. Il doit pouvoir se séparer, élaborer cette séparation,
puis reconstruire de nouveaux liens.

Ces opérations correspondent à un processus créatif. Elles s'accompagnent de la construction du désir d'apprendre, de l'élaboration et de la consolidation de capacités préalables, nécessaires pour s'inscrire dans la collectivité scolaire et les apprentissages.

L'enfant (re)construit son identité d'écolier.
2- Tout apprentissage se fonde sur un lien social préalable.
3- Il faut être écolier (c’est-à-dire inscrit dans des relations sociales propres à la collectivité scolaire), pour pouvoir être élève (c’est-à-dire apprenant);
4- L’opération de séparation du sujet par rapport aux objets primordiaux, par rapport aux premiers apprentissages, est fondamentale à tout processus créatif, à la constitution de tout lien social.
Vivre un lien social satisfaisant, puis (re)vivre et élaborer les processus de séparation, permet la construction des capacités préalables indispensables, pour désirer apprendre, et pour s'inscrire dans les apprentissages.
S’adapter au monde, construire son identité, et apprendre, ressortent de processus créatifs.

Un fonctionnement libre et souple de la pensée, dans ses registres de l'imaginaire et du symbolique, et leur articulation avec le réel, est nécessaire à toute adaptation, à toute création, à tout apprentissage.

Cette articulation permet qu'émerge l'intérêt de l'enfant pour les objets culturels, et le désir d'apprendre.
Elle lui permet de (re)mobiliser les processus de pensée nécessaires pour apprendre et s'inscrire dans la collectivité scolaire et les apprentissages.

L'ENFANT SE (RE)TROUVE DANS SON HISTOIRE, ET (RE)CONSTRUIT SON IDENTITE "D'ENFANT-ECOLIER-ELEVE", INSCRIT DANS LA COLLECTIVITE SCOLAIRE, ET "APPRENANT".
5- Le corps est en jeu dans l’apprentissage c’est le lieu des premiers apprentissages, des éprouvés sensoriels, des affects, des émotions. C'est aussi le lieu du "réel", de l'indicible, de l'angoisse.
6- L’imaginaire, ancré dans les éprouvés corporels, et s’appuyant sur l’image, est le lieu du plaisir et du déplaisir, du narcissisme et de l’image de soi, et la ressource de "l’auto-réparation". C’est le lieu du sens, grâce à l’intervention du symbolique. Le sujet doit pouvoir puiser dans son imaginaire pour (re)trouver ses forces créatives, pour pouvoir éprouver du désir et du plaisir à s'investir dans un apprentissage.
7- La maîtrise du fonctionnement symbolique permet de se représenter le monde, de penser, de nouer des liens sociaux appropriés à une vie sociale, de manier les codes nécessaires à tout apprentissage, de se situer dans le monde, de se décentrer, d’articuler sa propre expérience au “savoir” proposé par l’école, d’élaborer l’angoisse;
8- Le libre jeu de l’imaginaire et du symbolique et leur articulation, créatrice de sens, sont des processus fondamentaux dans toute relation sociale, dans tout processus créatif, dans tout apprentissage.

Nous pouvons affirmer, à partir de l'analyse des rencontres cliniques avec des "enfants-rééduquants", que les objectifs de la rééducation, ont été atteints. On peut considérer que, grâce à une relation "suffisamment bonne", assise sur un changement de place radical du rééducateur dans l'école, et de son changement de place par rapport à l'enfant, dans une intervention référée à un projet et à un cadre rééducatifs spécifiques, l'enfant peut satisfaire ou consolider ses besoins fondamentaux. En construisant et en se (re)trouvant dans son histoire, l'enfant peut se séparer des premières attaches dans lesquelles il était englué, il peut (re)construire et consolider le substrat nécessaire à son inscription dans la collectivité scolaire et les apprentissages. Il élabore ainsi son identité "d'enfant-écolier-élève", dans un processus qui s'apparente à une création.

Les analyses de cette troisième partie nous conduisent donc à soutenir, conformément à notre hypothèse de recherche, et en réponse à la question: "Qu'est-ce qui est rééducatif?":

  1. Pour répondre à la difficulté normale d'un enfant qui ne parvient pas à devenir élève, il y a, dans l'école, une place spécifique pour une action qualifiée de "rééducative", située entre le soin et l'action pédagogique.
  2. C'est la possibilité donnée à l'enfant de reconstruire son histoire, dans l'entre-deux créé par le changement de place qu'opère le rééducateur dans l'école, qui permet à cet enfant d'élaborer les capacités nécessaires pour pouvoir s'inscrire dans la culture, dans la collectivité scolaire et dans les apprentissages.

"La crainte de la solution unitaire fait le commencement de la sagesse. Aucune solution ne constitue la seule solution."
Michel SERRES (1991, p. 188).