L'aide rééducative: "un bricolage", "un tâtonnement expérimental", dans une praxis qui ouvre à la créativité des partenaires de la rencontre.

On a pu dire du rééducateur, très justement, qu'il situe son action dans un registre du "bricolage". Nous dirons qu'il applique à son intervention ce qu'il propose à l'enfant: "un tâtonnement expérimental", au sens de recherche, questionnement, réajustements successifs. C'est le sens que donnait Célestin FREINET à cette expression. ‘ "...la position, la place du rééducateur est constamment à reconstruire, à réinventer. A chaque cas de rééducation. Le comble de l'inconfort, étant, on le sait, que le succès spectaculaire d'une rééducation n'autorise pas le rééducateur à en entreprendre une autre."(DARRAULT, 1986, p. 6). La pratique rééducative est constituée d'un tâtonnement fondamental, qui se constitue de non-certitude. Si la certitude est la position du "discours du maître", au sens lacanien, qui est le: "Je sais ce qui est bon pour toi", cette "non-certitude" doit nécessairement se situer et se maintenir, hors des certitudes qui risqueraient d'enfermer l'enfant, et à l'abri d'une incertitude complète, génératrice d'angoisse pour le rééducateur, et d'absence totale de repères, pour l'action. L'équilibre peut être maintenu grâce à l'ancrage, et au repérage dans la théorie. Nous avons pu analyser les raisons de l'appel à la théorie psychanalytique.

Dans "Freud pédagogue?", Mireille CIFALI (1982, p. 87 à 93), dénonce ce que serait "une application" de la théorie psychanalytique à l'éducation. Il est nécessaire, dit-elle en substance, de sauvegarder le flou des hypothèses, l'errance liée à la rencontre transférentielle. Si la théorie psychanalytique se prend pour "un savoir" achevé, pour "une vérité" pour "un processus d'application", elle devient "un guet-apens" pour le praticien (id., p. 88).Considérer la théorie psychanalytique ‘ "comme un savoir immuable et qui sert de grille de lecture pour décrypter l'histoire d'un sujet"(ibid., p. 91), peut tout simplement empêcher d'écouter le sujet, et aller à l'encontre de tout ce qu'a pu établir cette théorie. Comment échapper à ce piège? ‘ "Il s'agit ni plus ni moins de déterminer dans quelle mesure la théorisation psychanalytique, comme toutes autres d'ailleurs, est applicable, dans le sens coutumier du terme.(ibid. p. 90).

Que propose l'auteur? ‘ "Si quelque chose de psychanalytique veut être préservé, ce n'est pas tant à un procédé d'application qu'il s'agit de recourir, mais au pouvoir d'une interprétation."(ibid., p. 90). Cette interprétation ne peut naître que dans le transfert. L'écoute du sujet se doit d'être "toujours renouvelée" (ibid. p. 92).

Qu'en est-il de l'articulation possible entre pédagogie et psychanalyse, dans ces conditions? Il s'agit de favoriser ‘ "l'avènement d'une psychanalyse "appliquée" non pas comme somme de savoir enseignable, mais en tant que créatrice, entre elle et un autre domaine, d'un espace transférentiel dont les effets ne sont pas tant annulés que pris comme source - d'ailleurs la seule possible - d'interprétation et de connaissance"(ibid. p. 92-93). L'utilisation de concepts psychanalytiques, dans une optique de meilleure compréhension des processus relationnels en jeu dans la relation, par exemple, semble pouvoir s'avérer tout à fait pertinente. ‘ "La rencontre entre psychanalyse et éducation n'est possible que si l'on se garde du définitif, de l'absolu, du système, du modèle" ’. Elle permet en contrepartie ‘ "...d'ouvrir la voie à l'imaginaire et au fantasme, pour retrouver le sens de l'écoute, le jeu du désir" (id).

Nous avons analysé les implications de la référence à la théorie psychanalytique, tant au niveau de la conception des propositions rééducatives, et de son cadre, en particulier, qu'à celui des analyses de ce qui se joue dans l'espace-temps rééducatif.

Nous avons pu établir que l'on pouvait qualifier l'ensemble des conceptions rééducatives, du terme de praxis, au vu de la cohérence de l'ensemble formé par ses propositions. Nous en avons mis en évidence les lignes générales. La rééducation doit s'instituer dans l'école, avec les parents et avec l'enfant, avons-nous dit. Quelles sont les principales dimensions de cette institution?