PIAGET, qui a apporté une connaissance concernant la construction des capacités cognitives de l'enfant, WALLON, qui a insisté sur un développement global de l'enfant qui intrique sans séparation possible l'émotivité et ses accroches corporelles, l'affectivité et la construction de l'intelligence, VYGOTSKY, qui à son tour, et dans le même sens que WALLON, a précisé par quels processus l'enfant se construit en interaction avec les autres, dans le lien social, apportent des ancrages théoriques fondamentaux à celui qui se confronte à un enfant en difficulté d'apprentissage, mais aussi en difficulté d'inscription sociale et culturelle.
La théorie psychanalytique indique et étaye des positionnements possibles, au sein de la rencontre, éclaire et permet de mieux comprendre ce qui se joue pour l'enfant au cours du processus rééducatif et dans la relation. Par des voies différentes, la psychanalyse vient étayer, renforcer, les positions fondamentales mises en avant par les psychologues comme WALLON ou par un grand nombre de pédagogues, confrontés aux difficultés de développement de l'enfant, à ses difficultés dans ses relations au monde. Les rééducateurs ont acquis une expérience clinique qui leur a fait construire des principes d'action, et une théorisation de leur pratique qui intègre et prend en compte un certain nombre de ces dimensions. Nous les avons analysés précisément, nous en rappellerons succinctement un certain nombre ici, en mettant en regard la synthèse qui a été faite des apports des pédagogues que nous avons surnommés "de la marge" 687
Retrouver ces mêmes concepts par tant de voix différentes, comme dans "un fil d'Ariane" de la "pensée de l'écart", est à la fois "ré-ancrage", étayage et confirmation de la pensée des pédagogues d'aujourd'hui, qui s'affrontent aux mêmes problèmes, enseignants spécialisés ou non, rééducateurs ou maîtres "ordinaires".
Dès lors, la théorisation de la pratique rééducative consiste à concevoir un cadre rééducatif spécifique, à clarifier le positionnement de l'adulte dans la relation à l'enfant, entendue comme une rencontre avec un sujet responsable de la mise en place de ses réussites, de ses symptômes et de leur résolution. Compte tenu de toutes les dimensions connues et supputées de la difficulté de l'enfant, toute aide doit partir du sujet, de ses besoins, de ses ressources, et non du symptôme. Pour que l'enfant s'affirme comme sujet "séparé", autonome, capable de "s'auto-réparer" et "d'auto-reconstruire" son histoire et ses capacités, nous avons pu mettre en évidence l'importance, pour le rééducateur, de "changer de place" dans l'école, et par rapport à l'enfant. Ce changement de place se traduit par l'accompagnement de cet enfant dans sa construction, dans le respect de son cheminement singulier. Il consiste en un "bricolage" subtil entre ce que l'adulte tient à "ne pas lâcher", et ce qu'il lui est nécessaire de lâcher, entre "une prise" et un "lâcher prise", pour que le processus de l'enfant puisse se drouler.. L'adulte se propose pour écouter l'enfant, et pour l'aider à développer ses capacités d'expression, de symbolisation, et de communication, afin de dépasser ses difficultés et afin de SE découvrir lui-même. Il s'agit dès lors de faciliter l'expression de l'enfant sous toutes ses formes, de redonner ses lettres de noblesse au jeu comme activité représentative et symbolique, rejoignant ainsi les convictions et propositions des pédagogues "de la marge", comme nous les avons nommés, ou "en marge" du système, depuis FRÖBEL.
Il est nécessaire de se connaître pour pouvoir aller vers les autres, disait en substance COMENIUS au XVIIème siècle, il est nécessaire de ‘ "faire oeuvre de soi-même" ’, avançait PESTALOZZI au XVIIIème siècle, ce que WINNICOTT (1971), formule à son tour par la nécessité pour le sujet de réaliser une ‘ "création vivante de soi" ’ , afin de pouvoir créer des liens, afin de pouvoir s'inscrire dans la société et dans la culture, afin de pouvoir entrer dans les apprentissages. Cette élaboration de soi-même, est le résultat d'un processus plus ou moins laborieux, mais commun, banal, au sens d'ordinaire, partagé; passage obligé pour quitter l'attachement exclusif au monde de la famille, et pour accéder au monde culturel et social.
De ce fait, la rééducation situe ses propositions à l'enfant dans un "entre-deux", sur le chemin qui mène celui-ci de la maison familiale à l'école, à l'articulation entre des appartenances différentes entre lesquelles, justement, cet enfant ne parvient pas à créer des liens, entre lesquelles il se perd lui-même, ne parvenant pas à se construire en un récit qui donnerait sens à son histoire personnelle.
"Faire oeuvre de soi-même", "faire création de soi-même en construisant son histoire", c'est ce que propose la rencontre rééducative d'aujourd'hui à l'enfant en difficulté à l'école, en refus ou en impossibilité d'apprendre, afin de dépasser ses contradictions internes en se (re)trouvant dans son histoire, afin de pouvoir aller vers les autres dans des relations sociales symbolisées, afin de parvenir à entrer dans les apprentissages, et afin de disposer des capacités nécessaires pour s'y inscrire.
En instituant la rééducation dans le lieu de l'école dans un lien symbolisé, en instituant le processus rééducatif avec l'enfant sur un cadre et un contrat qui instaurent du tiers dans la relation, en s'offrant à l'enfant comme partenaire symbolique et non comme égal, le rééducateur offre la possibilité à l'enfant de construire les bases symboliques de sa relation au monde. La symbolisation de cette relation est rendue possible par;
L'enfant peut vivre, mettre à l'épreuve et se situer ainsi dans une relation humaine régie par les lois symboliques de la différence des sexes, de la différences de parenté, de la différence des générations et de l'interdit de l'inceste.
C'est au sein de la rencontre clinique que nous avons mis à l'épreuve les propositions rééducatives afin d'en vérifier la pertinence, par ses effets, en réponse à la question: "Qu'est-ce qui est rééducatif?"
Le fil d'Ariane de la pédagogie "de la marge", de la pédagogie "des limites"..., chapitre III, point 4.