Chapitre I : La détermination de l’emploi

La notion « d’emploifonction » est retenue par le gestionnaire. L’emploi désigne, avant toute concrétisation juridique, le travail défini soit de façon très précise soit en termes plus larges d’objectifs.94 De cette approche fonctionnelle de l’emploi, on peut dire qu’il est une division du travail caractérisé, en premier lieu, par son organisation (contenu des tâches, fonctions, responsabilité) et, en second lieu, par ses conditions d’exercice (temps et lieu de travail, rémunération). Cette approche met en évidence un lien entre le travailleur et l’emploi dans l’entreprise. La reconnaissance par le droit de cette situation opère alors une intégration du travailleur dans l’entreprise. Cette intégration, aussi bien dans l’ordre économique que dans l’ordre juridique, fait du travailleur un salarié, un travailleur subordonné, et non pas un entrepreneur. Comme le souligne Madame Catala, l’entreprise est la réunion de moyens qu’ordonne un entrepreneur.95

De cette première approche, il ressort que la catégorie « contrat de travail » entretient un lien étroit avec l’idée de situation juridique d’emploi. Pourtant comme le remarque Monsieur Gaudu, la situation juridique d’emploi n’est pas une catégorie homogène ; au contraire, une dichotomie s’opère dans les situations juridiques d’emplois, entre le contrat à durée indéterminée et le contrat à durée déterminée, forme imparfaite d’emploi. Néanmoins, ces deux contrats assurent pour le salarié un droit à la poursuite du contrat de travail. Toutefois, le régime juridique de ces contrats semble fonder une opposition plus qu’une simple dégradation. A cet égard, l’idée de stabilité qui connote la notion d’emploi apparaît particulièrement significative de l’opposition de fond entre l’emploi du contrat à durée indéterminée et « l’emploi » du contrat à durée déterminée. Ainsi, la notion de stabilité s’attache au contrat à durée indéterminée parce qu’il ancre la relation de travail dans une certaine permanence, alors que le contrat à durée déterminée renvoie à l’idée de précarité. Pourtant au regard du droit positif, on peut remarquer que c’est un point de vue « social » et non pas juridique qui l’emporte lorsqu’un contrat est dit « précaire ». La stabilité intrinsèque du contrat à durée indéterminée, entendue comme son aptitude à se maintenir malgré les vicissitudes qui peuvent affecter son exécution peut justifier de la recherche d’une définition plus étroite de la notion d’emploi. Ainsi, si autour de la catégorie « contrat de travail » s’organisent des situations juridiques d’emploi, il apparaît qu’une distinction doit être faite entre les situations d’emploi stricto sensu, et les autres situations de travail subordonnées. Aussi pour comprendre la notion d’emploi, fautil dans un premier temps repérer une situation juridique de travail subordonnée (Section 1). Mais, on peut formuler l’hypothèse que toutes les situations de travail subordonnées ne permettent pas de qualifier la relation contractuelle de situation d’emploi. En effet, si dans l’ordre économique l’emploi apparaît comme un élément de l’organisation de l’entreprise, sur le plan juridique son rapport à cette dernière, en ce qu’il est lié à son activité normale et permanente, conduit à l’envisager spécifiquement. En droit, seul le contrat à durée indéterminée est le contrat de l’emploi (Section 2).

Notes
94.

Voir L. MALLET et M.L. MORIN, « La détermination de l’emploi occupé », Dr. Soc. 1996, 660, spéc. §I. On peut rappeler que la gestion prend pour objet l’entreprise et qu’elle se présente comme la science des organisations.

95.

N. CATALA, Traité de Droit du travail, L’entreprise, Dalloz 1980.