Comme Monsieur Gaudu l’a montré, « l’emploi » est indissociable de son support juridique, le contrat de travail. Il en est le révélateur au point qu’il trace la frontière d’une summa divisio du concept d’activité professionnelle. Elle est indépendante ou subordonnée, cette dernière donnant naissance à une situation juridique d’emploi. Si le contrat est présenté comme la manifestation de volontés en vue de produire des effets de droit, il est aussi le vecteur d’un échange entre les parties. En ce sens, le contrat est un instrument au service d’utilités individuelles,253 celle du travailleur recherchant à mettre sa force de travail à disposition afin de retirer un revenu, celle de l’entrepreneur dans le développement de son entreprise. Cette analyse économique du droit justifie d’ailleurs le principe de la liberté contractuelle dans une économie libérale.254 Le système économique conditionne à ce titre le comportement des acteurs, celui du chef d’entreprise notamment qui au titre du principe de la liberté contractuelle dispose d’une alternative à l’emploi, c’estàdire de rendre apparent une situation juridique d’emploi. En outre, ce principe offre à l’entrepreneur une alternative dans l’emploi par une embauche du salarié pour une durée limitée ou pour une durée indéterminée. Entre la demande d’emploi et l’offre d’emploi s’opère une médiation des intérêts des parties à la relation de travail. Une telle conception est en réalité celle du marché du travail, compris comme le lieu de rencontre entre des offres et des demandes d’emploi qui s’ajustent sur un certain prix, le prix de la location de la force de travail.255 La combinaison du jeu du marché et de la liberté contractuelle a historiquement conduit à la méconnaissance de la notion d’emploi comme critère de la nature juridique du contrat de travail, l’alternative dans l’emploi pour l’employeur se fondant uniquement sur le temps du contrat. En effet, même si le conflit, dans les buts propres à chaque partie au contrat, est intrinsèque à la relation de travail, c’est dans un premier temps une analyse strictement contractuelle qui a prévalu dans la détermination de la nature du contrat de travail. Ce n’est qu’ensuite qu’une analyse économique de l’emploi est apparue.
J. GHESTIN, Traité de droit civil, t. II, La formation du contrat, 3ème éd., 1993, n°196 et suiv.
J. GHESTIN, ouvrage précité, n°209.
F. GAUDU, « L’organisation juridique du marché du travail », Dr. Soc. 1992, 941.