Si, en fait, l’idée que la notion d’emploi est indissociable de celle de longue durée et qu’en conséquence lorsque l’emploi est bref, provisoire, le mot tâche apparaît préférable,292 en droit, l’opposition n’est clairement établie qu’avec l’ordonnance du 5 février 1982 qui pose le principe selon lequel le contrat de travail est conclu sans détermination de durée.293 A n’en pas douter le législateur a pris en compte le phénomène d’extension du recours aux formes de travail particulières294 qui, d’une part, ne semblent pas conformes à leur support économique et, d’autre part, remettent en question l’identité professionnelle du travailleur construite sur le modèle de l’emploi permanent. L’équation posée se présente simplement : lorsque l’emploi (au sens du résultat de la division du travail dans l’entreprise) est permanent il ne peut être supporté juridiquement que par un contrat non limité dans le temps, le contrat à durée indéterminée. En revanche, et par exception, une tâche (par nature non permanente) peut faire l’objet d’un contrat à durée déterminée. Autrement dit, l’économie générale du texte est là : il s’agit de faire coïncider la logique de l’organisation de l’entreprise avec une certaine idée, non pas de droit pur, mais de politique de l’emploi, des formes juridiques d’embauche, même si certains tempéraments sont admis.295
Malgré un train impressionnant de réformes,296 opérant un balancement entre plus de souplesse ou plus de rigidité dans la réglementation de l’alternative dans l’emploi, le principe dégagé en 1982, réaffirmé par l’ordonnance du 11 août 1986, demeure, à la suite de la loi du 12 juillet 1990 entérinant l’accord national interprofessionnel du 24 mars 1990,297 toujours de droit positif. Cette construction légale de la notion d’emploi amène à en faire une notion différente en droit et en fait de la notion de tâche, emportant néanmoins un régime juridique unitaire mais ambivalent.
G. LYONCAEN, « Plasticité du capital et nouvelles formes d’emploi », Dr. Soc. 1980, spéc. 8.
Article 1 de l’ordonnance n°82130 du 5 février 1982, article L. 1215 du Code du travail.
Nombre de salariés engagés à durée déterminée 310 000 en avril mai 1982, à 260 000 en mars 1984, puis 340 000 en mars 1988. En 1998 les embauches sous contrats précaires représentent plus de 80% des embauches totales.
L’ordonnance fixe une liste limitative des cas de recours aux contrats de travail atypiques. Circ. Du 23 fév. 1982, relative à l’application de l’ordonnance n°82.130, J.O. 13382, point 13.
C’est au gré des changements de majorité politique que se sont succédées les réformes, pas moins de quatre en l’espace de dix ans : loi du 3 janvier 1979 (L. n°79/11, J.C.P. 1979, III, 48037 et 48054), ordonnance du 5 février 1982 (L. n°82/130, J.C.P. 1982, III, 52313) modifiée par la loi du 25 juillet 1985 (L. n°85/772, J.C.P. 1985, III, 57501) qui vise à harmoniser le régime juridique du contrat à durée déterminée et du contrat de travail temporaire, réformée par l’ordonnance du 11 août 1986, et enfin loi du 12 juillet 1990. Le patronat plaide aujourd’hui pour une nouvelle refonte dans le sens de l’assouplissement du régime du contrat à durée déterminée, sans doute le résultat des élections législatives de mai 1997 ouvrira, ou non, ce chantier.
Liaisons Sociales n°6360 du 941990.