Paragraphe I : Le développement des règles autour de l’emploi

On peut partir ici du constat dressé par Monsieur Jeammaud425 ; pour l’auteur, l’emploi est au coeur d’une évolution des règles. Mais il reste à savoir si cette évolution a une incidence sur la teneur ou la position du droit du travail. Il semble qu’une tentative de réponse peut être conduite en deux temps. Le premier serait de montrer que, dans la teneur des normes, l’emploi est désormais considéré comme une « valeur ».426 En effet, une telle démonstration ne s’impose pas d’ellemême. La considération que l’emploi est objet des normes a donné lieu à des développements en ce qui concerne la situation juridique d’emploi, c’estàdire le régime légal de l’alternative dans l’emploi conduisant à une représentation, a posteriori, de l’emploi. En revanche, le Code du travail ne semble pas traiter de façon univoque de l’emploi en tant que tel, sinon pour aborder sa remise en cause dans la définition du licenciement pour motif économique.427 De plus, lorsque l’emploi est envisagé au titre des « politiques d’emploi », il faut comprendre non pas les politiques ayant pour objet les situations juridiques mais l’emploi macroéconomique dans son opposition au chômage, ayant pour finalité de réguler le marché du travail, lequel a besoin de règles générales et stables qui relèvent de la responsabilité de l’Etat.428 Pourtant, l’idée même d’une politique de l’emploi macroéconomique ne va pas de soi. Tout d’abord, par principe si elle se justifie dans une économie libérale son contenu est nécessairement limité au respect de la liberté de l’industrie et du travail. Il en résulte que dans un premier temps au moins, la politique de l’emploi ne peut pas être confondue avec l’interventionnisme de l’Etat sur le marché du travail. Ce point amène à constater, ensuite, que le contenu des « politiques d’emploi », telles qu’elles sont envisagées aujourd’hui, a un caractère récent. Il est aussi significatif de remarquer que les interventions de l’Etat trouvent leur cause dans des situations de crises conjoncturelles ou structurelles.429 On peut constater que depuis près de cinquante ans, l’emploi comme objet des politiques d’emploi constitue, selon l’expression de Monsieur Gazier, un chantier politique et réglementaire permanent.430

Toutefois, il semble qu’une évolution puisse être relevée dans le contenu même des politiques publiques d’emploi menées par l’Etat, signe d’une compréhension différente de la notion d’emploi. Cette évolution ne va pas sans soulever quelques interrogations.

Notes
425.

A. JEAMMEAUD, « Crise et relations du travail », in droit de la crise, crise du droit ?, P.U.F. 1997.

426.

Le second consistera à mettre en évidence un droit de l’emploi, infra n°133 et suiv. et 569 et suiv.

427.

Supra n°7 et suiv.

428.

G. LYONCAEN, J. PELISSIER et A. SUPIOT, Droit du travail, 18ème éd., Dalloz 1994, n°226 et suiv. ; F. GAUDU, « L’organisation juridique du marché du travail », Dr. Soc. 1992, 422.

429.

1848, 1945.

430.

B. GAZIER, Economie du travail et de l’emploi, Dalloz 1991, n°262.