Section 2 : La protection de l’emploi : essai d’une construction juridique

Bien que reposant sur un principe d’égalité des droits entre salariés,504 la dualité des régimes juridiques applicables aux situations de travail trouve une expression forte dans la non applicabilité du droit du licenciement aux contrats conclus pour une durée limitée dans le temps.505 En effet, le recrutement d’un salarié en vue de la réalisation d’une tâche précise et de courte durée ne peut s’opérer que dans un cadre juridique rigide qui limite l’étendue du pouvoir de direction de l’employeur sur ces situations particulières de travail ; les obligations sont bornées par la précision de leur objet.506 En revanche, si la détermination contractuelle de l’emploi fixe les droits et les obligations des parties au contrat de travail, la vocation pérenne de l’emploi nécessite aussi son adaptation à l’évolution de l’organisation de l’entreprise. Ainsi, seul le contrat à durée indéterminée doit (peut) changer pour durer,507 cette proposition n’étant pas transposable au contrat de travail à durée déterminée. C’est de la confrontation de la nécessité d’adapter la situation de l’emploi dans l’entreprise aux moyens utilisés par le chef d’entreprise afin de parvenir à un équilibre entre la quantité et la qualité des compétences professionnelles requises, à l’aune d’un environnement économique et social en crise, que peut être abordée une réflexion d’ensemble sur la protection de l’emploi dans l’entreprise. Un premier élément consiste à mettre en lumière l’inclination du droit positif, un second répond à l’objectif de la recherche qui est de tenter de proposer un système d’analyse cohérent. L’évolution du droit positif trouve notamment son expression dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation et, sur ce point, on peut se reporter aux propos de Monsieur le conseiller Waquet pour lequel « ‘le licenciement doit traduire l’impossibilité de conserver le salarié dans l’entreprise.’ »508 En prenant appui sur cette directive, il convient de se demander si une construction théorique peut s’articuler autour de l’emploi. On peut entrevoir assez rapidement que la notion « emploifonction » n’est pas à même d’être le vecteur d’une protection générale, sa remise en cause étant d’ailleurs la cause même de mécanismes tendant à éviter le licenciement. Au demeurant, il apparaît que le contrat de travail, pourtant marqué du sceau de l’adaptabilité,509 ne permet pas de rendre compte de l’ensemble des moyens mis en oeuvre afin de maintenir le salarié dans l’entreprise. Pourtant, on peut penser que c’est dans la consubstantialité entre le contrat de travail et l’emploi que doit être trouvée l’assise de la protection de la situation juridique d’emploi du salarié (Paragraphe I). A supposer possible l’objectivation des « droitsdéfense » de la situation d’emploi du salarié, il importe de déterminer le degré de contrainte nécessaire porté par les règles de droit qui sont sollicitées. Ainsi, la sanction relative à la protection de l’emploi s’avère déterminante de la reconnaissance de l’intérêt porté à la protection de l’emploi (Paragraphe II).

Notes
504.

Article L. 12233 du Code du travail : « Sauf dispositions législatives expresses, et à l’exclusion des dispositions concernant la rupture du contrat de travail, les dispositions légales et conventionnelles ainsi que celles qui résultent des usages, applicables aux salariés liés par un contrat de travail à durée indéterminée, s’appliquent également aux salariés liés par un contrat de travail à durée déterminée. »

505.

Article L. 12233 du Code du travail précité.

506.

Infra n°478 et suiv.

507.

F. GAUDU, Le contrat de travail, Connaissance du droit, Dalloz 1996, p. 91.

508.

Ph. WAQUET, « Le contrôle de la Chambre sociale de la Cour de cassation sur a cause réelle et sérieuse de licenciement », Dr. Soc. 1992, 980.

509.

A. BOUILLOUX, « L’adaptabilité du contrat de travail », Dr. Ouv. 1997, 487.