Paragraphe I : Le droit au maintien dans un emploi : la reconnaissance juridique du lien d’emploi

La dualité des protections autour de l’emploi laisse supposer que les mécanismes de protection de l’emploi sont eux-mêmes composites. La définition proposée de l’emploi dans ses dimensions économiques et juridiques tend à le confirmer. Ainsi, en érigeant l’emploi comme objet de protection, il serait légitime de rechercher une concordance entre les règles juridiques de protection de l’emploi et l’emploi microéconomique. Pourtant, d’emblée, une telle corrélation apparaît vaine. Si on peut démontrer que des règles de droit forment un ensemble cohérent et qu’en ce sens l’emploi est une catégorie du droit du travail, sans doute la finalité assignée aux règles ne peut pas prétendre assurer la pérennité économique d’un quelconque objet, même si, en revanche, le droit peut participer à créer un environnement normatif propice. D’ailleurs, le licenciement pour motif économique n’est il pas tourné pour partie au moins vers la suppression d’emploi510 ! L’emploi microéconomique n’est donc pas, en soi, objet de protection.

Une autre dimension de l’emploi apparaît dans le contrat de travail qui en est le support juridique. On pourrait donc penser que les règles de protection de l’emploi ont en fait pour objet le contrat de travail. Dès lors, il n’y aurait pas à proprement parler de protection de l’emploi mais protection du contrat. Mais cette approche n’est pas plus satisfaisante que la précédente. En effet, au même titre que la suppression de l’emploi microéconomique, la modification du contrat de travail participe de la définition du licenciement pour motif économique. De plus, et alors que la protection de l’emploi du salarié trouve sa ressource dans le contrat de travail par l’affirmation de la bonne foi contractuelle qui permet d’assurer l’adaptation du salarié à l’évolution de son emploi, l’obligation de reclassement engage à une réfaction profonde du contrat de travail. Mieux enfin, le droit du salarié au bénéfice de la priorité de réembauchage s’exerce lorsque le lien de droit a été rompu.

Néanmoins, d’une façon générale l’idée de protection de l’emploi du salarié ne peut pas se départir du schéma contractuel et s’articule autour de la notion d’emploifonction. La protection de l’emploi semble pouvoir être recherchée dans la force d’un lien unissant le salarié à l’entreprise : la protection de l’emploi tendrait donc au maintien du salarié dans une situation juridique d’emploi, que l’emploi économique ait disparu ou bien que le contrat de travail ait été modifié voire rompu. Il semble, en conséquence, que la situation d’emploi laisse apparaître un lien d’emploi, manifestation des règles en faveur de l’emploi. Ce lien d’emploi étant l’expression sociale de l’emploi. Il convient donc de délimiter le domaine de ce lien afin de pouvoir en déterminer les manifestations pour tenter, enfin, d’en saisir la nature juridique.

Notes
510.

Article L. 3211 du Code du travail dispose que « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. »