L’acquisition d’une qualification professionnelle est de prime abord extérieure à la notion d’emploi, au moins entendu dans son sens microéconomique. Elle est préalable et participe par la formation professionnelle à l’organisation du marché du travail ; mais elle n’aurait pas de sens si son but n’était pas l’entreprise. Aussi il importe de s’intéresser à cette étape où un lien va se tisser entre le travailleur et l’emploi dans l’entreprise ; ce rattachement s’opère par la qualification professionnelle, laquelle est l’enjeu du recrutement. La période du recrutement peut se diviser en deux étapes : l’une, précontractuelle, est celle de la recherche du salarié compétent pour occuper l’emploi à pourvoir, l’autre est post contractuelle, une situation juridique d’emploi est forgée même si elle n’est pas encore ferme, l’employeur comme le travailleur devant apprécier qualitativement l’emploi.
L’intérêt des juristes ne s’est pas manifesté à l’égal entre ces deux périodes, seule la seconde retenant leur attention. En effet, hormis l’intervention de l’Etat en vue de réguler le marché du travail, les procédures de recrutement n’avaient pas fait l’objet d’un encadrement normatif avant la loi du 31 décembre 1992, très largement inspirée du rapport de Monsieur Gérard LyonCaen, relatif aux libertés publiques dans l’entreprise.602 Cet intérêt récent du législateur doit sans doute être recherché dans la volonté d’encadrer le développement de pratiques parfois douteuses. Pour autant le phénomène n’en reste pas moins assez neuf pour ne pas dire « conjoncturel » tant il semble s’être accru avec la crise économique. Passant effectivement d’un marché du travail fluide à un marché saturé, le processus de recrutement du personnel de l’entreprise ne souffre pas d’erreur, surtout lorsque l’emploi à pourvoir requiert une haute compétence professionnelle.603 De même l’expansion du travail intérimaire, dont on sait qu’il touche essentiellement des emplois peu qualifiés, peut, à l’inverse, s’analyser sous l’angle du rejet par le chef d’entreprise du risque et surtout de la charge du recrutement.604 Il convient donc de s’intéresser à la procédure de recrutement au regard de la qualification puis à l’appréciation de la qualification au regard de l’emploi.
Loi n°921446 du 31 déc. 1992, codifiée notamment aux articles L. 1216 à L. 1218 du Code du travail. Rapport du professeur G. LYONCAEN, Les libertés publiques dans l’entreprise, La documentation française, 1992.
En ce sens, J.Cl. JAVILLIER et Y. CIAVATTI, Recruter, Editions Liaisons, 1991, page 21 et suiv.
Sur la relation triangulaire et la responsabilité de l’entreprise de travail temporaire dans la fourniture d’une maind’oeuvre ayant la qualification correspondante à l’emploi, voir C.A. Paris 11 juill. 1985, D. 1985, IR, p. 394 ; Civ. 1ère 28 mai 1980 Bull. I., n°157. L’entreprise de travail temporaire est débitrice d’une obligation de moyens, sa responsabilité est engagée si elle n’a pas effectuée toutes les vérifications nécessaires sur les qualités et aptitudes professionnelles du personnel qu’elle met à disposition.