Le droit saisit l’emploi et on peut soutenir qu’il en donne une définition juridique de nature qualitative qui engage l’application d'un certain nombres de règles. Ainsi par un choix de gestion de l’entreprise, l’employeur peut réaliser, par la mise au travail d’une personne, une situation d’emploi. La réalisation de cette situation juridique est plus ou moins formalisée par le contrat de travail. L’emploi est donc juridiquement supporté par un contrat de travail, spécifiquement à durée indéterminée, sur lequel se superpose un cadre juridique collectif né de la négociation professionnelle ; les droits qui constituent la substance de la condition du salarié ne proviennent donc plus seulement du contrat individuel stricto sensu.745 Ainsi, l’intervention de l’Etat, des partenaires sociaux ainsi que les propositions doctrinales, sans remettre en cause le rôle du contrat de travail, l’auraient confiné à une simple fonction de révélateur marquant l’entrée du travailleur dans l’entreprise.746 Toutefois, les parties au contrat demeurent libres, dans le respect des règles légales et conventionnelles, de déterminer par le choix du contenu du contrat ce qu’il représentera de l’emploi occupé dans l’entreprise. Facteur de rattachement du fait au droit, le contrat demeure donc une source essentielle dans la détermination des obligations du salarié dépassant une simple fonction instrumentale afin de conférer au salarié un « statut » dont le lien d’emploi rend compte.
La situation juridique d’emploi semble ainsi entretenir une corrélation forte entre l’objet saisi par le droit et son support juridique. La définition de l’objet de l’obligation principale du contrat de travail renvoie à la prestation, objet de l’obligation, qui porte le projet économique des parties à la relation de travail. La confusion souvent entretenue entre l’objet du contrat et l’objet de l’obligation laisse au moins penser que les caractères juridiques de l’un sont transposables à l’autre. La prestation doit être déterminée et déterminable. On peut donc penser que la mise à disposition de la force de travail par le salarié doit correspondre à une quantité et une qualité de travail suffisamment précise. L’hypothèse soutenue est que les éléments nécessaires à la formation du contrat de travail ont trait à l’emploi c’estàdire aux compétences professionnelles du travailleur et aux qualités professionnelles requises par « l’emploifonction ». Il s’établit donc une interdépendance forte entre le support juridique (le contrat) et son contenu (l’emploi). Il peut donc être intéressant de rechercher dans le contrat de travail la part représentée par l’emploi, intérêt accru au regard de l’orientation récente de la Chambre sociale de la Cour de cassation de déterminer une armature « universelle » au contrat de travail (Section 1). Mais cette recherche objective peut s’avérer insuffisante dans la mesure où le contrat laisse évidemment une place importante à l’expression des volontés. Le contrat de travail n’est donc pas que la concrétisation du lien juridique d’une relation de travail, il est également le support d’obligations qui définissent plus précisément la subordination du salarié.747 On peut observer qu’un certain nombre de ces obligations concernent la prestation de travail c’estàdire l’emploi (Section 2).
A. BRUN et H. GALLAND, Droit du travail, 2ème éd., t. 1, n°280.
Effectivement en tissant une toile d’ordre public et corrélativement en n’autorisant, sauf dérogation, la négociation qu’in favorem, le rôle du contrat s’est borné à devenir un « acte condition ». Cf. P. DURAND, Traité de Droit du travail, T. II, Dalloz 1950, n°115 et suiv. ; A. SUPIOT, Critique du droit du travail, P.U.F., les voies du droit, 1994, spéc. pages 17 à 21, pour une analyse historique et comparative. L’actualité du contrat de travail est néanmoins soulignée, cf. A. LYONCAEN, « Actualité du contrat de travail, brefs propos » Dr. Soc. 1988, 540, C. BOYERSAUZE, Vers un renouveau du contrat de travail ?, Thèse Lyon 1996.
G.H. CAMERLYNCK, Traité de droit du travail, le contrat de travail, Dalloz 1982, n°41et suiv.