Le rapport établi entre l’entreprise et l’emploi opère rattachement à un ordre juridique, celui du travail subordonné. Ce rattachement est objectif, mais on peut penser qu’il ouvre lors de sa formation sur une situation, quant à elle, subjective. Cette subjectivité s’exprime par et dans le contrat de travail, contrat classé parmi les contrats intuitus personae.890 Si la personne du cocontractant est importante dans la relation professionnelle c’est bien parce que la prestation de travail procède des compétences professionnelles que le salarié peut mettre à la disposition de l’entreprise.891 L’employeur lorsqu’il entend pourvoir un emploi ne recherche pas n’importe quelle « force de travail » mais une certaine compétence professionnelle requise par la définition même de « l’emploi-fonction ». De ce point de vue, il y a une forme de personnification de l’emploi, plus précisément même du poste de travail, une fois l’embauche conclue. Il apparaît alors que l’emploi n’entretient pas avec le contrat de travail qu’une relation de genre. L’examen conduit au constat de l’intrication du contrat et de l’emploi. On peut, en effet, estimer que les composantes de l’emploi relèvent de l’armature du contrat. A l’inverse, sans doute trouvera-t-on des éléments contractualisés par les parties, une place de parking par exemple, sans rapport avec « l’emploi-fonction ». Toutefois, le principe de l’intangibilité du contrat amène aussi à considérer que toute remise en cause d’un élément du contrat porte atteinte à l’emploi, au lien d’emploi biensûr. Il n’est donc pas erroné de considérer que la problématique de la protection de l’emploi se transporte très largement sur le terrain de la rupture du contrat de travail. A l’évidence, les mécanismes de protection de l’emploi sont mobilisés lorsque la situation juridique d’emploi est elle-même remise en cause. Dans cette perspective, l’idée première de la remise en cause de l’emploi semble renvoyer à des considérations d’ordre économique, relevant de l’ordre de l’organisation de l’entreprise. Cette approche serait cependant réductrice, certes le contrat de travail subit les contraintes d’organisation de l’entreprise, mais la remise en cause de l’emploi peut aussi être générée par le salarié lorsque ses capacités professionnelles sont altérées. C’est notamment sous ces deux angles que l’analyse des mécanismes de protection de l’emploi doit être envisagée. Elle permettra en outre de vérifier que la protection de l’emploi exprime du point de vue des intérêts en cause une conciliation entre l’ordre du possible du point de vue de l’organisation de l’emploi par le chef d’entreprise et l’ordre du socialement souhaitable du point de vue du salarié.892
G. COUTURIER, Droit du travail, 1/ Les relations individuelles de travail, P.U.F., 3ème éd., 1996 ; M.-A. PEANO, « L’intuitus personae dans le contrat de travail », Dr. Soc. 1995, 129.
Ce n’est pourtant pas sous cet angle que l’intuitus personae est généralement présenté, Cf., PEANO, article précité. L’étude porte sur la prise en compte des éléments de la personnalité du salarié ce qui semble pourtant relever d’une autre problématique, à tout le moins ne devraitelle pas couvrir les capacités professionnelles du travailleur ? Les éléments de la personnalité sont accessoires et doivent être en rapport avec l’emploi pour être des éléments pertinents lors de la procédure de recrutement. Supra n°160 et suiv.
Infra n°531 et suiv.