Paragraphe I : Les hypothèses du droit à la suspension du contrat de travail

La suspension est donc une technique de protection de l’emploi qui consiste à maintenir le rapport contractuel malgré un événement qui entraîne provisoirement l’inexécution des obligations nées du contrat.919 Elle permet donc d’exprimer la protection de valeurs que le jeu traditionnel du contrat ne permettrait pas d’assurer et marque ainsi l’empreinte de la personne physique dans le contrat à côté de sa fonction strictement économique. Un lien d’emploi unit donc le salarié à l’entreprise et justifie, comme l’ont déjà montré certains auteurs, qu’au delà de la notion abstraite de suspension du contrat, il s’agit plus exactement de suspension des obligations principales et plus spécifiquement de l’obligation pour le salarié de fournir sa prestation de travail. Effectivement, parce que le contrat est maintenu les obligations accessoires, secondaires, quant à elles demeurent,920 tout lien avec l’entreprise, et spécifiquement avec l’emploi, n’étant pas totalement distendu. Nées de réponses jurisprudentielles, reprises parfois par le législateur ou crées par lui, les causes de suspension du contrat n’ont cessé de se multiplier rendant vain tout effort de systématisation.921 Néanmoins, on observera que deux conditions essentielles doivent être réunies. Il faut, d’abord, un obstacle à l’exécution normale du travail, ce qui permet d’écarter du propos les suspensions causées par la prise des repos ou congés qui relèvent de l’accomplissement du contrat. Il est indispensable, enfin, que cet obstacle soit de nature temporaire, tout empêchement définitif tenant soit à la fourniture soit à la prestation de travail devant conduire à la rupture du contrat, par la voie balisée du licenciement. Reste aussi, à exclure du champ de la suspension/protection celle qui trouve sa source dans le pouvoir disciplinaire du chef d’entreprise, même s’il n’est pas tout à fait incongru de remarquer que la mise à pied disciplinaire ou préventive comporte pour le salarié une certaine part de protection ; l’une et l’autre ne sontelles pas pour la première dans l’échelle des sanctions une de celles qui maintient le salarié dans l’entreprise malgré sa faute, la seconde devant permettre à l’employeur de mesurer la portée des faits reprochés avant d’opter pour la sanction ?

Cependant, malgré la multiplicité des causes de suspension, convientil encore de distinguer selon que le salarié ou l’entreprise en a l’initiative.

Notes
919.

J. SAVATIER et J. RIVERO, Droit du travail, n°450 et suiv.

920.

J. PELISSIER, « Réflexions à propos de la suspension du contrat de travail », in Etudes de droit du travail offertes à A. Brun, Librairie économique et sociale 1974, p. 427 ; également J.M. BERAUD, thèse précitée.

921.

O. GODARD, Suspension du contrat, JurisClasseur, Fasc. 2815.