La reconnaissance de l’obligation de reclassement est essentielle à la protection de l’emploi, mais sans la détermination d’une sphère pertinente au reclassement, l’obligation peut s’avérer sans portée. Définir le périmètre de l’obligation, c’est donc mesurer l’étendue de la protection. Aussi, il est remarquable que le juge ait imposé, que le fait générateur résulte de l’inaptitude physique ou d’une mise en cause de l’emploi, un cadre identique à l’obligation de reclassement. L’emploi de reclassement doit être recherché au niveau de l’entreprise, s’il y a plusieurs établissements,1537 ou au niveau du groupe auquel appartient l’entreprise. La Chambre sociale de la Cour de cassation, par un arrêt du 25 juin 1992 relatif au licenciement pour motif économique, a précisé que « la réalité du motif économique d’un licenciement et la recherche des possibilités de reclassement du salarié doivent s’apprécier à l’intérieur du groupe auquel appartient l’employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités ou l’organisation lui permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. »1538 Plus récemment, se prononçant sur le cadre du reclassement en cas d’accident du travail, la Cour de cassation a également exposé que « la recherche des possibilités de reclassement du salarié victime d’un accident du travail, déclaré inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment au sens de l’article L. 122352 du Code du travail, alors applicable, doit s’apprécier à l’intérieur du groupe auquel appartient l’employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation lui permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel »,1539 la solution étant étendue aux maladies non professionnelles. C’est donc par une jurisprudence unitaire que la Cour de cassation détermine le périmètre de l’obligation de reclassement,1540 renforçant par là même l’émergence d’un droit au maintien du lien d’emploi. Ce renforcement est significatif parce qu’il vise un espace plus vaste que l’entité affectée par les suppressions d’emplois (entreprise pour l’établissement, le groupe pour l’entreprise). L’intégration du groupe au périmètre du reclassement mesure la vigueur du principe selon lequel le licenciement est l’ultime solution. Au fond, la recherche du groupe, par delà l’employeur, marque une fonction propre à tout ordre juridique qui est celui de définir un centre d’imputation.
Cass. Soc. 16 mars 1994, n°1501D. ; 18 mars 1997, n°1283D.
Cass. Soc. 25 juin 1992, Bull. V., n°420, Dr. Soc. 1992, 826. La solution n’est ici pas nouvelle. Mais par cette décision les Hauts magistrats ont affiné la notion de groupe. Pour les arrêts antérieurs, voir Cass. Soc. 20 fév.1991, Bull. V., n°86 et 15 mai 1991, Bull. V., n°238.
Cass. Soc. 24 nov. 1995, J.C.P. 1996, éd. E., II, 774, note ARSEGUEL et FADEUILHE.
Une lecture attentive des deux attendus fait ressortir que la mention du lieu d’exploitation ne figure pas dans l’arrêt du 25 février 1992 relatif au licenciement pour motif économique. Cette distorsion a été gommée par les magistrats. Voir notamment, Cass. Soc. 8 fév. 1995, C.S.B.P. n°70, 23 mai 1995, Dr. Soc. 1995, 679, note FAVENNECHERY, Cass. Soc. 2 avril 1996, C.S.B.P. 1996 sup. n°83.