2.2. Régionalismes et français de référence

Puisque le français régional s’est vu refuser le statut de système linguistique autonome (on pourra alors préférer parler de régionalismes), dès lors, sa description ne s’effectue pas selon la méthode tripartite utilisée pour l’étude d’une langue. Elle se trouve réduite à l’inventaire d’un ensemble de traits à distribution géographique restreinte, qui caractérisent cet usage du français (dit régional) et le distinguent d’un français considéré comme la norme, auquel il est renvoyé pour la description de tout ce qui n’est pas régional. On peut référer à cette variété comme étant le français de référence (Poirier 1995, 26), terme qui nous permet de disposer d’une appellation neutre, qui ne présume rien quant à la nature exacte de ce français. Ce français de référence sert d’étalon grâce auquel on pourra identifier les régionalismes, et décrire en quoi ils diffèrent de ce français pris comme base. L’inventaire des régionalismes s’effectue alors selon la méthode dite différentielle, les régionalismes correspondant à des éléments n’existant pas dans ce français de référence ou dont l’emploi en diffère. Cette conception du français régional, bien que d’option linguistique et non normative (la linguistique décrit, la grammaire prescrit et proscrit), est cependant apparentée à la conception des puristes provinciaux (cf. 2.2.1) sur un point important : le français régional se définit comme un ensemble d’écarts par rapport à un français de référence, qui joue un rôle essentiel et indispensable dans l’identification des régionalismes.

‘“L’étude du français régional n’est pas une étude globale de l’usage d’un lieu délimité, ce n’est qu’une étude différentielle par rapport à une langue officielle, commune, qu’on appelle le bon français ou le français tout court” (Tuaillon 1977a, 10).’

Ce qu’énonce Voillat (1971, 217) en disant que :

‘“Pour les dialectologues comme pour les puristes, le français régional est un ensemble de violations de la norme.”’

On souscrira donc au premier critère de définition du français régional énoncé par Wolf (1972, 173), celui de la subordination linguistique du français régional au français de référence (que Wolf dénomme ici koïné) :

‘“les variantes régionales ou ce qu’on appelle le français régional, représentent un rang qui est du point de vue linguistique subordonné à la koïné.”’

Des divergences et des problèmes apparaissent quand il s’agit de définir ce français de référence.