1. Le “Vaugelas des Gascons” 88  :

Pour Desgrouais, les gasconismes sont ‘“des mauvaises expressions, des tours vicieux, des phrases singulieres”’ (iii). Il faut s’en défaire, comme les Gascons qui sont allés à Paris l’ont fait (xii). Desgrouais apparaît largement ignorant de l’ancienne langue : d’ailleurs, cette référence lui serait largement superflue, dans la mesure où ‘“Tout gasconisme vient du patois, ou langage du pays.”’ (v) : les gasconismes sont des phrases demi-françaises et demi-patoises. Ce qui lui importe est d’opposer, dans une perspective résolument synchronique, l’usage (vicieux) gascon à l’usage (à imiter) parisien. Ainsi, parmi ses gasconismes, apparaissent des traits qui ont appartenu à l’ancienne langue française (horloge n. m, armoire n. m., pénible adj. “laborieux”, septante, huitante, nonante, adj., etc.). Mais on ne trouve aucune mention de ce fait, et ces gasconismes sont blâmés simplement car ils contreviennent au bon usage de la période : un bon horloge est une “faute de genre” ; ‘“Beaucoup de Gascons aiment mieux dire ’ ‘septante, huitante, nonante’ ‘, que ’ ‘soixante-dix, quatre-vingt, quatre-vingt-dix’ ‘ ; c’est-à-dire qu’ils aiment mieux parler gascon que français”’. D’autre part, Desgrouais est hostile aux usages anciens qui ne sont plus de mise : il considère que les écrits des auteurs anciens contiennent des fautes (voir Corneille ci-dessous), qui ne sont fautes que par rapport à l’usage contemporain. Il lui arrive de citer avec approbation des auteurs anciens (Molière, Boileau, La Fontaine, ...), mais alors c’est que leur usage est toujours valable.

Certains gasconismes sont cependant décrits comme des façons de parler anciennes, par ex. “aller du pair avec M***. On ne parle plus ainsi. On dit : aller de pair” (viii) ; ‘“Vous dites que vous êtes conseigneur avec M. un tel. Ce mot ne se dit plus. Il faut dire Coseigneur”’ (ix) ; ‘“Cette façon de parler [’ ‘aussi beau comme’ ‘ pour ’ ‘aussi beau que’ ‘] se trouve dans Corneille, mais elle n’est plus d’usage”’ (52) ; ‘“on disait autrefois épouser pour marier ; mais ce mot a vieilli, et il ne se dit plus que dans les Provinces. [...] Les Prêtres Gascons épousent ; les Prêtres parisiens marient”’ (102). Du fait de sa conception puriste entièrement fondée sur le bon usage contemporain, Desgrouais soumet au même traitement que les autres les usages anciens maintenus régionalement : il ne faut plus les employer.

Notes
88.

Ce surnom lui a été donné par un ami : “Cet ouvrage sera très-utile dans les Pays méridionaux. L’auteur deviendra le Vaugelas des Gascons” (Desgrouais 1766, xii).