3.2.3.2. Le français régional et l’archaïsme

Dans le domaine du français régional, le passage d’une description effectuée par des puristes dans le but de proscrire, à une défense par des amateurs de parler local s’effectue parallèlement à l’utilisation de premier plan du caractère archaïque du français régional, à l’image de ce qui a été fait pour les patois. Si Desgrouais ignorait presque complètement la perspective historique, et Molard n’en faisait aucune utilisation particulière, le XIXe s. correspond à une rupture. Le Nouveau glossaire genevois (1852) de Jean Humbert (jalon le plus proche de Molard dans ma documentation) témoigne du changement d’orientation. Humbert105 adopte une position semi-puriste : il considère que seule une partie des termes genevois qu’il répertorie constitue des “fautes de langage”. Un certain nombre de régionalismes ne sont pas à mépriser, du fait de leur appartenance à l’ancienne langue française :

‘“plusieurs des mots que nous employons, et qui sont tenus pour barbares, sont autant de débris de l’ancien français, restés parmi nous comme les traînards d’une armée en marche” (1852, xxviii-xxix). ’

L’attitude de Humbert est donc mixte : il perpétue la tradition des puristes de la langue en bannissant “les barbarismes grossiers, les erreurs de syntaxe et les fautes de prononciation” qui sont des “défauts véritablement choquants” dont les Genevois doivent “chercher à purger [leur] langage” (xxix), tout en s’opposant au “purisme exagéré qui voudrait bannir de la conversation familière toutes [les] locutions indigènes [genevoises]” (xxix), et en prônant la légitimité de certaines particularités locales. Comme ses prédécesseurs dans le domaine des patois, il a recours à l’autorité de Nodier pour établir que la connaissance de toutes les variétés de la langue est utile à celle de la langue française (xxviii).

Le changement d’attitude envers le français régional se révèle chez Littré qui, après avoir manifesté une attitude bienveillante dans son dictionnaire envers les patois (qu’il n’a cependant utilisés que dans la partie étymologique de ses articles), inclut de nombreux mots provinciaux dans la nomenclature de son Supplément (1877). Les régionalismes sont d’abord inclus dans un but pratique : il s’agit d’un vocabulaire technique, surtout agricole, qu’il est bon de répertorier, ne serait-ce que pour aider à les faire comprendre (“Préface” au Supplément, iii). Mais ils possèdent aussi un intérêt linguistique, de nature historique, qui corrrespond à celui que Littré avait déjà trouvé aux patois :

‘“un mot provincial fournit quelquefois des attaches, des intermédiaires, et complète quelque série. D’autres fois c’est avec l’ancienne langue que se fait le raccord. Des termes du français des 12e et 13e siècles ont disparu, qui vivent encore sous des formes de patois ; et certains ont un historique aussi assuré et d’aussi bon aloi que les vocables les plus authentiques” (“Préface” au Supplément, iii). ’

En conséquence, les régionalismes sont légitimés :

‘“on y trouve une foule de mots d’excellente frappe ; justement parce que le plus souvent ils se rattachent à un archaïsme authentique” (id.).’

La caution apportée aux régionalismes par un homme tel que Littré n’a pu dès lors qu’encourager les érudits locaux à poursuivre dans cette voie. Beauquier (1881) présente ainsi les provincialismes comme utiles à l’histoire du français, car ils peuvent fournir des formes restées plus proches du radical, ou un mot qui a disparu ailleurs et qui permet de faire le lien entre une série de mots restés obscurs (6). Inutile de préciser que toute perspective normative a disparu chez lui :

‘“Il est assez probable que ce que nous qualifions souvent chez le peuple de mauvaise prononciation est simplement une ancienne manière de prononcer, comme la plupart des locutions dites « vicieuses » ne sont autre chose que des locutions vieillies” (1881, 12).’

Nizier du Puitspelu, que G.-L. Salmon (1991b) a surnommé le “chantre du parler lyonnais”, a dans sa défense du français parlé à Lyon largement fait appel à la notion d’archaïsme. Puitspelu considère106 que la langue française, forgée au XVIe s. et portée à la perfection au XVIIe, subit depuis une dépravation : successivement le latinisme, l’héllenisme (qualifiés de “barbarismes”), les créations artificielles des XVIIe et XVIIIe s., l’argot, ont trahi la langue et l’ont pervertie. Le français véritable, c’est-à-dire la vieille langue populaire héritière du passé, la langue de la tradition, a été corrompue par la langue des savants et celle de la crapule. Le français de Paris n’est plus celui de la tradition, il n’est qu’un français corrompu. En revanche, le français de Lyon y est resté fidèle, et représente donc le véritable français, la langue dont on peut admirer la grandeur107.

‘“Nizier du Puitspelu a chanté, contre l’écriture moderne et l’argot parisien contemporain, le pur français et le bon parler populaire, et [...] a magnifié le langage lyonnais” (Salmon 1991b, 265).’

L’aspect essentiel de cette grandeur est le degré moins éloigné par rapport à l’ancien français du français de Lyon en opposition à celui de Paris, ce qui se manifeste notamment par le conservatisme lexical. Or, l’antiquité assure leur noblesse aux mots, et dans cet imaginaire, le parler lyonnais devient le ‘“continuateur du vieux français et de la bonne langue des XVIe-XVIIe siècles”’ (Salmon 1991b, 265).

‘“Aucune occasion de rappeler que le lyonnais poursuit l’ancien français n’est laissée de côté dans cette sorte d’illustration de la grandeur française du parler lyonnais” (Salmon 1991b, 260). ’

En ce qui concerne le sud de la France, on manque de témoignages qui attesteraient de l’utilisation de la notion d’archaïsme pour défendre le français local. Là encore, répétant la défense des patois, le recours à l’occitan semble la seule référence nécessaire. La veine occitane s’affirme depuis le milieu du XVIIIe s., et s’est exprimée d’abord chez les censeurs eux-mêmes. L’opinion de Desgrouais (1766, v) désignant comme seule source du français régional le substrat occitan semble avoir fait l’unanimité. Elle est reprise notamment par Villa (1802)108 et Séguy (1951) pour qui

‘“le français actuel de Toulouse est avant tout une langue importée gardant l’empreinte de substrats indigènes [...]. La part qui revient aux évolutions particulières du français depuis son importation à Toulouse est légère [...] et celle des archaïsmes proprement français bien mince [...] malgré une opinion assez répandue.” (9)’

Les travaux prenant pour objet le français parlé au Canada présentent de nombreuses analogies avec la défense des patois du nord de la France. La naissance des études sur le lexique franco-canadien s’est déroulée dans le cadre puriste, identique à celui qui s’était mis en place au milieu du XVIIIe s. pour le français régional de France. Le premier dictionnaire publié au Canada est le Manuel des difficultés les plus communes de la langue française, adapté au jeune âge, et suivi d’un recueil de locutions vicieuses (1841) de Thomas Maguire, qui décrit les différences du français québécois par rapport au français de France, dans une optique puriste cherchant à aligner le premier sur le second (Lavoie 1995). De nombreux autres répertoires de « fautes » suivront (cf. annexe 1). Face à ce courant puriste, la défense de la différence canadienne s’organise fin XIXe-début XXe, d’abord au Québec, puis en Acadie. La notion d’archaïsme y prend une importance de premier plan. Clapin (1894) recueille, comme ses prédécesseurs, les mots canadiens ignorés en français de France (dans une perspective différentielle). Mais il s’en distingue par son attitude envers la censure : les puristes canadiens veulent aligner le français canadien (“à leurs yeux une sorte de caricature du français et un parler tout-à-fait digne de mépris”, 1894, viii) sur celui de Paris. Clapin concède que le français canadien comporte des locutions vicieuses, surtout dues à l’anglais, dont il faudrait se débarrasser. Pour le reste du lexique, il ne faut pas être aussi intransigeant, car ce parler québécois contient de nombreuses survivances de mots venus de France, qui sont “essentiellement corrects au point de vue du génie de la langue et de la grammaire” (ix). Alors que les puristes condamnent en bloc ce qui en synchronie n’apparaît que comme des fautes dont il est urgent de se débarrasser, Clapin introduit une vision diachronique qui permet de réhabiliter la majeure partie du lexique en danger109.

‘“Dans leur emportement, [les puristes] iraient même jusqu’à opérer une razzia générale, non-seulement des canadianismes proprement dits, mais aussi de tous les vieux mots venus de France et qui n’ont que le tort de ne plus être habillés à la dernière mode” (viii).’

Face aux puristes qui condamnent tout sans distinction, Clapin professe une attitude tolérante : il recueille tout le lexique québécois différentiel dans son dictionnaire, et ne blâme rien lui-même en laissant soin au lecteur de trancher.

‘“Seulement, si j’avais une prière à lui adresser, à ce lecteur, ce serait de ne pas toucher à un seul de nos vieux mots d’autrefois, mots en usage dans le bon vieux temps. [...] Ah ! oui, nos vieux mots de jadis, grâce, grâce pour eux. Leur disparition, hélas ! s’opère déjà assez vite, sans que nous leur donnions la poussée finale” (xiii). ’

La position de Clapin a été reprise et raffinée par la Société du parler français au Canada, qui à partir de 1902 lance une vaste enquête afin de répertorier “les mots et locutions en usage dans le parler de la province de Québec et qui ne sont pas admis dans le français d’école” (sous-titre). La Société se présente comme une institution puriste, devant jouer le rôle de censeur (v). Ceci n’est pourtant qu’une habile façade : en effet, les directeurs du projet, Adjutor Rivard et Louis-Philippe Geoffrion, argumentent que pour corriger, il faut d’abord connaître les écarts et les apprécier. Le travail doit donc s’effectuer en deux temps : décrire le parler franco-québécois, puis y corriger les fautes qui s’y trouvent (“Préface” à Can 1930). Cependant, la deuxième partie du travail ne sera pas réalisée par la Société110, et les auteurs du Glossaire, suivant la trace de Clapin, laissent au lecteur la décision finale, en ayant eu soin auparavant d’orienter les réflexions111, et c’est encore la perspective étymologique qui sert de guide. C’est surtout l’anglicisme qui est à proscrire (viii)112, tandis qu’on prend la défense des autres composantes du français québécois, qui pourraient être conservées. On plaide pour les mots dialectaux (“n’y en a-t-il point aussi de bonne venue et qui mériteraient d’être favorablement accueillis ?”, viii) et les créations, qui peuvent enrichir la langue ou sont nécessaires (id.). Les mots archaïques ont droit à un traitement de faveur, puisque l’Académie française elle-même a reconnu leur valeur :

‘“un mot n’est pas mort parce que nous ne l’employons plus, s’il vit dans les oeuvres d’un Molière, d’un La Fontaine [...]. Montesquieu, Jean-Jacques Rousseau, Voltaire lui-même, en offrent que nous avons délaissés, mais qui n’en font pas moins partie des meilleures et des plus durables richesses de notre langue” (“Préface” à la 7e éd., 1878, ix-x)’

Or, le français québécois constitue (dans les termes de Gardette 1983c, 90) une “réserve” de français ancien : tous ces mots qui ont “de la naissance” méritent donc d’être conservés. Ainsi, sous couvert de s’inscrire dans la tradition puriste, les auteurs du Glossaire font un véritable plaidoyer en faveur du franco-québécois, en désignant l’anglicisme comme l’ennemi et en défendant toutes les autres composantes.

Pascal Poirier est l’artisan de la Renaissance acadienne :

‘“L’objectif principal de l’auteur du Glossaire acadien est la réhabilitation du parler régional, c’est d’ailleurs celui qu’il s’est donné tout au long de son existence, dans ses nombreux travaux linguistiques et lexicographiques” (Génin, “Préface” à Poirier s. d., xxxiv).’

Le français parlé en Acadie subit les attaques des puristes, qui le qualifient du terme méprisant de patois (2). La réhabilitation, là encore, se centre sur le caractère conservateur du parler acadien (souligné par Massignon 1962, 732)113 : les termes acadiens qui ont été employés en français “sont de la meilleure frappe” (1). Cette noblesse d’extraction les oppose aux mots anglais qui viennent remplacer les bons vieux mots acadiens, et dont il faut se défendre.

‘“afin de redonner aux siens un sentiment de fierté linguistique, il décida de prouver que le parler franco-acadien tire ses origines directement de la vieille langue française, dont il a gardés intacts de très nombreux éléments. Dans plusieurs de ses articles, l’auteur présente les titres de noblesse du parler acadien” (Génin, “Préface” à Poirier s. d., xxxv). ’

La défense du parler régional, qui s’est répandue au XIXe s., est fondamentalement identique qu’il s’agisse du patois ou du français régional ; elle relève de la même “argumentation rhétorique” (dans les termes de Camproux 1979, 19) visant à relever la position sociale des parlers régionaux à l’aide de la dimension historique (dont l’utilisation n’a été possible que dans le contexte épistémologique du XIXe s.). La conception puriste est fondée sur une comparaison entre le parler régional et la langue noble, de référence, comparaison dont le parler régional ressort amoindri, déconsidéré, les différences qui l’opposent à son illustre adversaire étant interprétées comme des déformations vicieuses. En changeant de perspective et en détournant la comparaison sur l’axe diachronique, les promoteurs du parler régional ont pu non seulement revaloriser la variété de langue qu’ils souhaitaient défendre, par la démonstration de la noblesse et de l’antiquité de ses origines, mais aussi inverser les valeurs et, remplissant eux-mêmes la fonction de censeurs, rabaisser ce français encensé depuis le XVIIe s. Les discussions autour de la valeur des parlers régionaux ont la caractéristique de toujours situer la problématique, que ce soit le fait de censeurs ou d’admirateurs, autour du français pris comme étalon linguistique, dynamique qui nous est familière et qui ne manque pas de souligner l’aspect affectif et idéologique du duel. On peut ici effectuer un parallèle avec les moyens qui avaient été utilisés, quelques siècles plus tôt, pour revaloriser le français, langue vulgaire, face à son illustre adversaire le latin. On a vu (3.2.1) que c’est l’origine génétique du français (c’est-à-dire, là encore, une perspective diachronique) qui a servi de fer de lance à cette défense ; comment Postel (1538), s’inspirant de la Bible, donnait l’hébreu comme mère de toutes les langues, dont le français ; tandis que Ronsard ou Jean Lemaire de Belges croyaient à l’origine troyenne des Français (“ne pouvant prouver que le français avait été la première langue parlée à la création du monde, [ces lettrés] essayaient au moins de le rattacher à l’origine considérée alors comme la plus glorieuse, l’origine troyenne”, Samfiresco 1902, 164), et que d’autres encore (par ex. Périon 1555) penchaient en faveur d’une parenté grecque.

‘“à partir du XVIe siècle surtout, la volonté d’ennoblir le vulgaire national ne pouvait que déboucher sur l’affirmation d’une origine noble desdits vulgaires” (Camproux 1979, 19).’

Mais c’est finalement l’origine latine des langues romanes, affirmée en France à partir de Dubois (1531), qui l’emporte. Le français est alors dégagé de l’accusation de barbarie, puisqu’on lui a trouvé de très nobles titres de naissance (Guiraud 1963b, 25).

Les débats sur les variétés régionales de la langue, au XIXe s., ne font que perpétuer une tradition française, où les volontés idéologiques ont souvent négligé les réalités linguistiques. Le recours à l’archaïsme a ainsi donné lieu à des abus, aussi bien en ce qui concerne les patois qu’en ce qui concerne le français régional. On trouve plusieurs auteurs pour affirmer que leur parler régional est exactement le français qui était parlé plusieurs siècles plus tôt. Par ex., Hécart (1834), traitant du patois rouchi, affirme que

‘“Dans une partie du Brabant, du pays de Liège et de la Belgique, on a même retenu la prononciation usitée sous les règnes de Henri IV et de Louis XIII” ; “la prononciation de la langue française au XVIe siècle existe encore dans toute son étendue en Belgique et dans le pays de Liège” (Hécart 1834, x et 2).’

Et Poirier (s. d.), à propos du français parlé en Acadie :

‘“Notre langage a ceci de particulier qu’il n’a pas changé, qu’il n’a pas même varié”’ ; ‘“Cette langue que nous avons conservée, est celle-là même que parlaient nos aïeux, au milieu du 17e siècle, le siècle de Louis XIV, qui a vu la gloire de Bossuet, de Corneille, de Racine, de Pascal, de Molière, de Bourdaloue”’ (Poirier s. d., 1).

Saussure avait pourtant mis en garde contre de telles conceptions : quand une langue parlée en un point A est transplantée en un point B par des colons, des différences naissent au bout d’un temps, mais

‘“Il ne faut pas s’imaginer que l’idiome transplanté se modifiera seul, tandis que l’idiome originaire demeurera immobile ; l’inverse ne se produit pas non plus d’une façon absolue” (1916, 270).’

Mais l’argument est pernicieux, et n’est d’ailleurs pas limité à la France : Bloomfield (1933) et Lehmann (1962) se font l’écho de conceptions semblables en anglais :

‘“Des restes des croyances du XIXe siècle se maintiennent également dans les conceptions populaires, comme celle selon laquelle du pur anglais de l’époque élisabéthaine est encore parlé sur les plateaux du Kentucky” (Lehmann 1962, 116)114.’

Il semble que l’on ait ici affaire à un “mythe linguistique”, dont toutes les dénégations fondées sur des études linguistiques précises n’arrivent pas à avoir raison. Ainsi, malgré la mise au point de Lehmann115, la survivance de la langue parlée à l’époque de Shakespeare dans quelque région reculée d’Amérique ou d’Angleterre, est apparue, témoin de sa vivacité, dans une liste de « mythes linguistiques » diffusée sur la Linguist List (vol. 8-39, 17-1-1997) :

‘“Quelque part, dans les monts Ozark ou dans le Derbyshire, il y a un village où l’on parle encore l’anglais élisabéthain.”’

Notre partie suivante laissera apparaître la part de manipulation de données impliquée dans l’établissement de la thèse de l’archaïsme du français régional.

Notes
105.

Humbert est mort en 1851 et n’a pas eu le temps de rédiger la préface de son dictionnaire. Sa position a cependant été rapportée dans l’Avertissement par une personne la connaissant, qui signe A. R.

106.

Ses théories ont été professées dans plusieurs ouvrages (notamment Les Oisivetés du sieur du Puitspelu, lyonnais, Lyon, Henri Georg, 1883 ; Les Vieilleries lyonnaises de Nizier du Puitspelu, Lyon, 1879 ; etc), étudiés par Salmon (1991b).

107.

Comme en témoigne le titre de son dictionnaire du français de Lyon : Le Littré de la Grand’Côte, à l’usage de ceux qui veulent parler et écrire correctement (1894).

108.

Les gasconismes sont “toutes façons de parler vicieuses et traduites mot à mot du languedocien” (cité par Séguy 1951, 9).

109.

Chaque fois que possible, Clapin a fait figurer dans les articles “de nombreuses citations ayant pour but d’établir les rapports existant avec le vieux français, l’ancien et le nouveau patois normand et saintongeais” (sous-titre), ce qui revient à marquer les mots pour lesquels ils réclament la clémence.

110.

L’aspect normatif du travail s’est réalisé dans une série de vocabulaires diffusés dans les écoles, les couvents et les collèges de 1930 à 1945, sous le titre Corrigeons-nous.

111.

“Est-ce à dire que rien de ce qui est enregistré dans le Glossaire ne puisse être considéré comme français ? Loin de là. Un mot peut avoir de la naissance, être d’une bonne langue, et cependant n’être pas académique” (vii).

112.

L’anglicisme a de tout temps été la bête noire des lexicologues canadiens, comme en témoigne le titre de l’ouvrage de J.-P. Tardivel (1880), L’Anglicisme, voilà l’ennemi !, (Québec, Imprimerie du Canadien, 28 p.). L’anglicisme est encore la cible du Petit dictionnaire du “joual” au français d’Augustin Turenne (Montréal, Editions de l’Homme, 1962, 96 p.), qui formule le voeu suivant : “après avoir longtemps ridiculisé ceux qui parlaient bien, pourquoi ne ririons-nous pas à l’avenir de ceux qui parlent « joual »” (10).

113.

Poirier a consacré sa vie à la réalisation d’un Glossaire acadien, travail dont il a ressenti la nécessité : “Si nous voulons réhabiliter nos termes acadiens, afin qu’on ne dise plus que c’est un patois que nous parlons, il n’est pas seulement nécessaire qu’ils se rattachent à la langue-mère, il faut le prouver. C’est ce que j’ai entrepris de faire” (2). L’acharnement de Poirier l’a incité à faire de ce glossaire l’oeuvre d’une vie, puisqu’il a dû recommencer à deux reprises son travail détruit par incendie, et que son Glossaire n’a été publié en intégralité que longtemps après sa mort (cf. Gérin, “Préface” à Poirier s. d., xvi suiv.).

114.

“Remains of 19th-century views are also maintained in popular conceptions, such as that pure Elizabethan English is still spoken in the Kentucky uplands”. Cf. aussi Bloomfield (1933) : si au XVIIIe, on envisageait les parlers locaux comme une déformation du standard, due à l’ignorance du peuple, on s’est ensuite aperçu que les dialectes préservaient certains traits disparus de la langue standard (321). “Opinion now turned to the other extreme. Because a local dialect preserved some forms that were extinct in the standard language, it was viewed as a survival, unchanged, of some ancient type; thus, we still hear it said that the speech of some remote locality is « pure Elizabethan English »” (322).

115.

“one can indeed find resemblances to present-day unfamiliar dialect forms in older material, such as the Shakespearian plays, but must not base unfounded conclusions on these; the speech of Kentucky mountaineers has undergone considerable modification since the 17th century, as have more widely spoken strata of English” (Lehmann 1962, 116).