4.3.2. Dérivés et variantes

Dans un certain nombre de cas, un régionalisme est ramené à un mot archaïque en français commun, mais qui ne concorde pas de façon parfaite, que ce soit par la forme ou le sens, avec le régionalisme. Nous appelons ces cas des variantes. Là aussi, le détail des exemples indique qu’il convient de se montrer prudent dans les relations que l’on peut établir avec l’ancienne langue.

Dans le cas des variantes formelles, il apparaît que dans les exemples traités, cette différence formelle peut s’expliquer par le recours aux patois, à laquelle la phonétique du régionalisme remonte en fait. Dans ce cas, il n’y a pas survivance d’un mot archaïque en français commun avec modification formelle, mais réappropriation par la langue, dans une aire restreinte, d’un mot qui en a disparu, par emprunt à un parler qui l’a conservé (cf. 6.2). Nous prendrons l’exemple de agneut/aneut, de peluquer, de quérir et de vouiller.

[37] a(g)neut adv. “aujourd’hui”.Agneut Aneut

Aneut est employé dans les Ardennes (var. anou, anoui), en Indre et dans l’Allier, agneut dans l’Allier. D’après Dubuisson et Bonin (1993), ce régionalisme est issu de l’ancien français anuit, dér. de nuit (< lat. nox, noctis), apparu début 12e d’abord dans le sens “la nuit passée, cette nuit” (disparu début 16e), puis (au 14e) “aujourd’hui”. Le mot est employé dans ce dernier sens jusqu’à la fin du 16e s. (1590, Gdf). Cependant, les formes régionales agneut et aneut (anou, anoui) n’ont pas été employées en français commun : ce sont en fait des phonétiques patoises, que l’on retrouve dans les parlers des Ardennes et du Berry-Boubonnais notamment (FEW 7, 216b ; Dubuisson et Bonin citent d’ailleurs un exemple de M. Didier où agneut est employé dans un discours en patois). La phonétique de ces régionalismes les dénonce comme des emprunts au patois. S’il l’on veut considérer agneut et aneut comme les continuateurs du français commun archaïque anuit, il faut cependant préciser que la survivance s’est réalisée par l’intermédiaire des patois où le mot s’est maintenu.

[28] peluquer v. intr. “manger avec dégoût”.

Germi et Lucci (1985) indiquent que ce régionalisme employé dans les Hautes-Alpes (Gap) possède un lien avec l’ancien français peluchier “béqueter, picorer”, attesté au 13e s. (Gdf). Mis à part cette attestation, le mot se rencontre au 15e s. dans les dialectes du Nord avec une consonne finale [k] (caractéristique des parlers du Nord) conservée de l’étymon latin *pilucare. Le terme s’est maintenu dans les patois de Belgique et du Nord (forme en [k]), et est également connu en occitan avec le même [k] final (FEW 8, 507). La référence à l’ancien français n’est donc à envisager ici que comme la mention d’une forme apparentée (il est d’ailleurs probable que ce verbe n’ait été que dialectal en ancien français) : le peluquer de Gap est un emprunt à l’occitan (qui a hérité le terme du latin et a conservé l’occlusive finale), comme l’indiquent Germi et Lucci (substrat dialectal peluca).

[102] quérir v. tr. “chercher (pour amener, apporter)”.Quérir

Quérir est une réfection de l’afr. et mfr. querre, représentant du lat. quaerere, forme qui continue à ête utilisée concuremment jusqu’au début du 17e s., où elle disparaît. Le verbe subit la concurrence de chercher (< lat. circare) au 15e s., qui arrive à le supplanter du fait de l’irrégularité de la flexion de quérir (Huguet 1935, 47-49). Au 17e, quérir ne s’emploie plus qu’à l’infinitif après les verbes aller, envoyer, venir (cf. Rich 1680), tandis que chercher est devenu le verbe usuel. Cet emploi perdure cependant jusqu’au 19e s., où l’on signale la prononciation populaire cri (Desgranges 1821, repris dans Besch 1855 et Li) qui témoigne du maintien du terme dans son emploi infinitif. Cependant, même à l’infinitif, le mot vieillit dans la deuxième moitié du siècle : “A peine quérir se dit-il dans la conversation ; on ne l’écrit presque plus” (Besch 1855) ; “vieilli” (DG). Au 20e, le verbe n’est plus utilisé que dans des emplois littéraires (Gide, Duhamel dans Rob 1985), ainsi que dans certaines régions (à l’infinitif uniquement), sous des formes diverses : Louisiane (1901 : queri), Acadie (kri à l’infinitif toujours précédé de aller), Indre-et-Loire (qu’ri , “mot-souvenir, encore employé par les auteurs régionalistes” ; cf. Anjou 1750 quérir, querre), Allier (quare, queri v. tr. “aller chercher”), Champagne (cri), Franche-Comté (quérir, var. quérri), Jura (Morez : querri, “n’est plus employé ; connu passivement par les personnes âgées”, dans un registre plus patois que fr. d’ailleurs, si l’on en juge par l’ex. fourni : “Vin me querri”), Vallée d’Aoste (quire). Le type lexical quérir est représenté dans les patois de la majeure partie de la France, notamment à l’Ouest, au Centre, et à l’Est (FEW 2/2, 1408). La variété des formes régionales révèle l’influence des patois sur la conservation de ce mot.

[78] vouiller v. intr. “verser de l’eau chaude sur la lessive”.Vouiller

Lepelley (1989) indique que le régionalisme vouiller, employé en Basse-Normandie (Manche et Orne), a été employé en français commun sous la forme voyer, dans le sens “arroser la lessive”. Le terme (< lat. *vocare) est recensé depuis 1731 (il apparaît dans le Dictionnaire des Arts, où l’on trouve aussi voyette n. f. “grande écuelle de bois emmanchée pour voyer la lessive”, FEW), mais il est dès le 18e s. indiqué expressément comme un régionalisme (cf. Trév 1743 : “Ces termes sont de Bretagne et d’Anjou”). Les dictionnaires ultérieurs qui véhiculent le terme font disparaître la mention de régionalisme (Besch 1850, Li, Lar 1876, jusqu’à Lar 1933) : est-il alors devenu, comme le dit Li, un “terme de métier” répandu dans la langue comune, ou est-il un régionalisme caché de la lexicographie générale ? Quoi qu’il en soit, le terme “français commun” est d’origine régionale, et la variante vouiller n’y est pas représentée. En revanche, les parlers normands connaissent le type lexical avec le vocalisme [u] qui est celui du français régional (FEW 14, 587a), auxquels on peut faire remonter le régionalisme.

Le cas des variantes sémantiques pose un problème plus complexe : dans les exemples recensés, le régionalisme correspond à un mot archaïque en français commun, mais possède un sens différent qui peut être dérivé du sens du mot archaïque par un procédé plausible d’évolution sémantique. Cependant, on remarque que dans ces cas, les patois formant la langue de substrat possèdent également le terme, avec un sens correspondant au sens régional en français, c’est-à-dire à l’étape sémantique évoluée. Le régionalisme peut donc leur être emprunté. Mais il n’y a pas de certitude : l’emprunt aux patois est possible, mais la survivance du terme français avec changement sémantique est également plausible, le français régional ayant pu connaître le même changement sémantique que les patois (qui ont évolué à partir de l’étymon dont le français est resté plus proche sémantiquement). Les exemples de chani, porion et verge sont représentatifs de cette alternative :

[38] chani adj. “moisi”.Chani

Cet adj. correspond à la forme participiale de l’ancien verbe intr. et pron. chanir “devenir blanc (poil, cheveu)” (< lat. canus “d’un blanc argenté”), employé du 13e à la première moitié du 16e s. (1536, FEW). Le sens de l’adjectif témoigne d’une évolution métonymique (du type cause pour l’effet : “blanchi (par la moisissure”)” > “moisi”) qui n’est pas attestée pour le verbe fr. Le sens “moisir” y est uniquement relevé pour la forme chancir (1508—Besch 1845 : “vieux”, FEW), qui pourrait être une forme évoluée de chanir sous l’influence de rancir (hypothèse donnée par Rob 1985 et TLF, qui propose également comme étymologie possible un lat. vulgaire *caniscere). L’adj. chani dans le sens “moisi” est employé en Basse-Normandie et dans l’Eure ; dans le Puy-de-Dôme (Thiers) on le trouve avec un sens encore plus évolué : “d’un goût acide, aigri ; peu aimable (pers.)”. Certains patois ont conservé le type chani(r) en lui faisant subir l’évolution sémantique “blanc” > “moisi”, notamment à l’Ouest (Picardie, Normandie), ainsi que dans le Centre, et en Bourgogne (FEW 2/1, 237b), ce qui correspond à la forme et à la sémantique du français régional (cf. aussi, dans le Lyonnais, le régionalisme chanes n. f. pl. “fleurs du vin”, qui remonte à un type “très répandu en frpr.”, ALLy 221).

[32] porion n. m. “poireau ; jonquille, narcisse des prés”.Porion

Porion est un dérivé de l’afr. por “poireau” n. m. (< lat. porrum), apparu à la fin du 12e s. (1176, FEW), qui a été utilisé dans le sens “poireau” jusqu’au début du 16e. A cette époque, porion acquiert le sens “oignon sauvage”, utilisé jusqu’au 17e (1542—1675, FEW). Au 16e s. apparaît le sens (sans doute déjà régional) “narcisse des prés”, signalé en Basse-Normandie (Saint-Lô, Manche) au milieu du 18e s. par Du Pineau (poirion). Le mot passe dans ce sens dans les dictionnaires du 19e s., d’abord sous la forme porillon (AcC 184 ; porion, Li 1868). Il est un régionalisme caché, comme l’atteste la définition : “nom vulgaire du narcisse des prés”. Il est ainsi répertorié par Besch 1855 et la série des Lar (depuis 1875, encore présent dans GDEL : “nom usuel d’une sorte de narcisse”). Au 20e s., porion est encore employé dans le Pas-de-Calais (“poireau ; verrue”) et en Normandie, où il a le sens “narcisse ; jonquille”. On peut considérer que porion a survécu régionalement en faisant prendre un sens nouveau au mot fr. archaïque, le changement s’expliquant par la ressemblance entre le légume et la jonquille encore sans fleurs (Lepelley 1989, 114). Mais le type lexical porion est également connu des patois de l’Ouest : en picard avec le sens “ poireau”, tandis qu’en Normandie et dans le Maine le mot a acquis le sens “narcisse des prés” (FEW 9, 196a). On peut donc considérer le régionalisme non comme une survivance du fr. commun, mais comme le remprunt en fr. régional du terme perdu dans un sens différent, qui est celui pris par le mot dans les patois.

[74] verge n. f. “dé à coudre sans fond”.Verge

Ce régionalisme, repéré dès le milieu du 18e s. en Anjou (Du Pineau) a été signalé en Amérique du Nord (Louisiane 1901 ; Québec 1930) dans le sens “dé à coudre sans fond”. Les auteurs canadiens (Clapin 1894, Can 1930) en font le continuateur d’un sens archaïque en français commun de verge (< lat. virga) : “Ce dé a emprunté son nom à la verge, vieux mot français pour anneau sans chaton” (Clapin 1894, 331). Cet emploi (qui correspond à un sens secondaire de verge “baguette”) est attesté de 1165 à fin 18e (FEW) ; il est encore recensé par Li avec la mention “vieilli” et par Lar 1933 (“vieux”). La survivance du sémème (alors que pour les Canadiens il s’agit d’un terme distinct du fr. verge) se serait réalisée avec changement de sens de “bague” à “dé à coudre” par analogie de forme et de fonction (les deux s’enfilent au doigt). Le mot est également présent dans les patois, spécialement à l’Ouest, de la Normandie jusqu’en Charente, où il a le sens de “dé à coudre sans fond” qu’on retrouve au Canada (FEW 14, 497b). La variante varge mentionnée par Can 1930 a son pendant dans les parlers d’Anjou notamment. On peut donc proposer une double étymologie : soit maintien du mot (sémème) français avec changement de sens au Canada, soit emprunt aux patois de l’Ouest où le changement de sens a eu lieu (Can 1930 souligne d’ailleurs que plusieurs patois de Normandie et du Centre possèdent le mot avec le sens “dé à coudre”).

Cependant, dans d’autres cas, le dilemme ne se pose plus puisque le régionalisme en question relève également de notre première catégorie, celle des fausses survivances :

[60] coron n. m. “groupe de maisons uniformes”.Coron

D’après Carton et Poulet (1991), ce régionalisme, employé dans le Nord-Pas-de-Calais dans le sens “rangée de maisons semblables et accolées les unes aux autres”, est issu de l’ancien français corn, coron “coin, angle d’une table, d’une maison”. Coron “extrémité, coin” est un dérivé de cor “id.” (1180, TLF ; < lat. cornu), attesté depuis le début du 13e s. Mais c’est un mot alors propre aux dialectes du Nord de la France (Picardie, Flandre), où il est encore représenté aujourd’hui ; il a connu à date récente une évolution sémantique qui l’a amené à désigner un “groupe de maisons ouvrières” (ce nouveau sens est attesté depuis la fin du 19e s. (1877) pour le français de cette région). Le mot est bien connu depuis Germinal de Zola (1885). Si l’étymologie indiquée par Carton et Poulet est exacte, elle cherche cependant à présenter coron comme la survivance d’un mot d’usage général en ancien français, qui en aurait aujourd’hui disparu, et dont l’application à une réalité locale aurait garanti la survie dans le Nord. Il est plus conforme à la réalité d’en faire le continuateur d’un mot des dialectes du Nord attesté depuis le 13e s., encore représenté dans certains patois (FEW 2/2, 1199), et qui a subi un changement sémantique dont témoigne le régionalisme du français.

[39] dépaturer v. pron. “se tirer d’affaire”.Dépaturer

D’après Lepelley (1989), ce régionalisme, employé en Basse-Normandie dans le sens “se tirer d’affaire”, provient, avec extension de sens, de l’ancien français se despasturer “se dégager d’une entrave”, qui est un composé sur pasture “entrave” (< lat pastoria “lien, attache”). Le verbe est en fait attesté en moyen (et non en ancien) français, et l’on n’en possède que deux attestations datant du 15e s. (Gdf) : la première est issue d’une chronique belge, l’autre a été relevée chez Jean Molinet, originaire du Pas-de-Calais (la base pasture attestée au 13e s. est elle-même régionale : Wallonie, Picardie, Normandie). Il s’agit en fait d’un mot régional attesté depuis le moyen français, qui est conservé par les parlers du Nord et de Normandie (FEW 7, 762a le relève également à Pierrecourt, en Haute-Saône, et Gdf en Franche-Comté où il possède à la fois le sens concret “désentraver (un cheval)”, et figuré “dépêtrer, débarrasser”), d’où il est passé dans le français régional.

[41] harasse n. f. “panier ; poêle à trous”.Harasse

D’après Lepelley (1989), le régionalisme, attesté en Basse-Normandie dans le sens “sorte de grand panier ; poêle à trous pour faire griller des châtaignes”, était connu de l’ancien français dans le sens “panier à claire-voie ; bouclier à trous” ; le régionalisme en constituerait une survivance avec extension du sens à d’autres objets de forme analogue. Le mot (< ahall. *hrâza) est documenté depuis 1358 mais est localisé dans le Nord (Flandre, Picardie, Champagne : Gdf) : il s’agit donc d’un régionalisme ancien, relevé avec le sens de “filet de cordes à mailles nouées, en forme de panier” (cf. le sens “sorte de grand panier” en Basse-Normandie) et occasionnellement (1250) “bouclier”. Le mot a subi une extension analogique (> “poêle à trous”) que l’on rencontre également dans les parlers de Normandie et de l’Ouest où s’est conservé le type lexical (FEW 16, 238b). Il a fourni les dérivés harasser v. intr. “faire griller des châtaignes” et harassoire n. f. “poêle à trous”. Il survit dans la région où il a toujours vécu.

On peut ajouter à la catégorie des variantes certains régionalismes qui se présentent comme des dérivés de mots archaïques en français commun (les dérivés eux-mêmes n’étant pas attestés dans l’histoire du français). Nous avons déjà introduit cette catégorie à la fin des fausses survivances (4.3.1) ; ici, il s’agit de dérivés de mots ayant eu une vitalité générale dans les stades antérieurs du français. Dans les cas répertoriés, on se trouve devant une alternative pour l’étymologie de ces régionalismes : soit on a affaire à la survivance d’un mot français archaïque dans la langue commune sous forme dérivée, soit il s’agit d’un emprunt aux patois formant la langue de substrat, patois qui connaissent l’équivalent du mot français archaïque, mais sous forme dérivée. Ce phénomène se remarque dans nos exemples écorion et tarabater.

[61] écorion n. m. “lacet de chaussure”.écorion

D’après Carton et Poulet (1991), ce régionalisme, employé dans le Nord-Pas-de-Calais (région d’Avesnes et de Cambrai), est le continuateur de l’ancien français corion “courroie” (< lat. corrigia). Corion est attesté en ancien français sous la forme corjon (et corion en Flandre au 13e s., FEW), mais également avec le sens “lacet de chaussure” du milieu 16e au milieu 17e (Est 1549—Oud 1660, FEW ; “vieux mot” dans Corn 1694 ; ø Rich 1680, Fur 1690). C’est donc plutôt au moyen français et au français moderne qu’il faut relier ce régionalisme ; quant au préfixé qui a été inconnu du français commun, il est une création spécifique du français du Nord, mais est aussi une caractéristique, parmi les patois qui connaissent le type lexical, justement de ces mêmes parlers du Nord (FEW 2/2, 1223b). Le régionalisme peut donc avoir deux origines : emprunt aux patois du Nord, ou survivance d’un terme du moyen français avec préfixation en français régional.

[70] tarabater v. intr. “faire beaucoup de bruit”.Tarabater

Dubuisson et Bonin (1993) relient ce régionalisme, employé dans l’Allier et le Cher, à l’ancien français rabaster “faire du tapage”, que tarabater continuerait sous forme dérivée. Rabaster, rabater (du radical *rabb-) est en fait un verbe du moyen français et du français moderne (d’abord attesté en normand au 12e), usité de la fin 15e à la fin 17e. dans la langue commune (FEW 10, 1b-2a) Tarabater lui est peut-être relié par composition avec l’onomatopée tar- (proposition émise par FEW 10, 7a), mais n’a pas lui-même appartenu au français commun ; en revanche, c’est un verbe connu des parlers du Berry-Bourbonnais, du Forez et du Dauphiné (FEW 13/1, 108a). Le régionalisme peut donc avoir deux origines : soit un dérivé du français archaïque rabater (avec qui le lien n’est toutefois pas certain), soit un emprunt aux patois de l’Allier et du Cher où le type tarabater a cours.