4.3.4. Le français archaïque comme panacée

Dans certains cas, les rapports établis entre régionalismes et stades antérieurs du français apparaissent après examen comme aberrants, et indiquent que l’ancienne langue apparaît en fait comme une panacée aux descripteurs du français régional, qu’ils utilisent dans le but de sauver le régionalisme de l’infâmie dans laquelle le jette son statut régional (cf. chap. 3). Cependant, ce recours à la forcée (si je peux me permettre d’employer ce régionalisme) au français archaïque s’établit alors au détriment de la véracité des liens, qui bien souvent s’avèrent ne pas être linguistiquement valables.

Là encore les rapports établis peuvent se répartir en plusieurs catégories. Il faut d’abord dire que les liens aberrants ne sont pas, heureusement, le fait de tous les descripteurs de français régional, et que certains sont plus enclins que d’autres à fausser la réalité. Ces « erreurs » sont assez typiques des premiers descripteurs du français régional, qui n’étaient pas linguistes ; mais comme nous le verrons, elles n’ont pas totalement disparu à l’heure actuelle, où le champ d’étude tend à être couvert de plus en plus par des linguistes professionnels. Ce qui suit concerne donc plus directement les étymologies proposées par les non-linguistes : il convient de s’y attarder un peu (bien que l’on puisse balayer d’un revers de manche ce travail non-scientifique), car la majorité des descripteurs du français régional sont des amateurs de langage et non des linguistes157, de telle sorte que l’on rencontre en grand nombre le genre d’erreurs que l’on entend ici mettre à jour. J’analyserai ici plus précisément les étymologies proposées par deux auteurs représentatifs de cette catégorie de linguistes amateurs que j’appellerai antiquaires, et qui sont Charles Beauquier, qui a fourni en 1881 une collecte de régionalismes employés dans le Doubs (25), et d’autre part Clair Tisseur, plus connu sous le pseudonyme de Nizier du Puitspelu, dont le recueil de régionalismes, paru en 1894 sous le titre du Littré de la Grand’Côte, est devenu un classique des études régionalistes lyonnaises.

Notes
157.

Ceci est dû à la forte part affective qui motive les études sur le français régional, et au dédain manifesté pour ce genre d’études par la majorité des linguistes, qui n’y voient pas un domaine sérieux ni même intéressant.