La conservation de traits linguistiques devenus archaïques en français commun dans les régions francophones161 implique la diffusion du français à date ancienne dans celles-ci, où ces traits auraient été préservés jusqu’à l’époque actuelle, tandis que le français commun évoluait. Il importe donc de voir si la chronologie de l’implantation du français (qui est à l’origine un parler circonscrit à une aire restreinte d’oïl) dans toute l’étendue du domaine francophone peut apporter une contribution à la compréhension du problème des survivances régionales : infirme-t-elle la théorie des survivances, la rend-elle simplement plausible, ou bien la conforte-t-elle162 ?
Le terme régions, employé par référence à français régional, s’applique ici sans considération politique ou administrative : il est utilisé dans un sens purement géographique pour désigner les régions francophones englobées dans cette étude, qu’elles soient rattachées politiquement à la France ou non, contigues ou éloignées.
Le fait même que le français se soit diffusé en-dehors de son aire d’origine peut être utilisé en faveur du conservatisme des régions ayant acquis ultérieurement cette langue, puisqu’il correspond au 4e principe énoncé par Bartoli, selon lequel les aires postérieures sont souvent conservatrices par rapport aux aires antérieures (cf. 1.2.2.2.1). La diffusion même du français serait un argument expliquant le « retard d’évolution » du français régional.