5.1.3. Régions « particularistes »

Sous cette appellation (reprise à F. Brunot, qui parle de “Provinces particularistes” dans HLF 7, 233) sont regroupées les régions aujourd’hui francophones mais de substrat non italique (celtique et germanique).

Puisqu’au XVIe s. le français est devenu langue administrative, judiciaire du royaume, dans toutes les nouvelles provinces rattachées après cette date le même régime est théoriquement appliqué. Chaque cas est cependant particulier.

La Bretagne est réunie à la France en 1532. Mais dès le Xe s., les Bretons sont en contact avec les Normands (par le biais de guerres), et une partie de l’aristocratie bretonne est francisée (Dauzat 1946a, 105). On sait peu de choses sur la pénétration du français jusqu’au XVIe s. : un témoignage de 1552 affirme qu’il y a trois évéchés uniquement francophones (Dol, Saint-Malo, Rennes), trois où l’on connaît le français à côté du breton (Saint-Brieuc, Vannes, Nantes), tandis que trois ignorent le français (Cornouaille, Saint-Pol, Tréguier) (Dauzat 1946a, 105 n. 2). L’ordonnance de Villers-Cotterêts est appliquée. Dès lors, la diffusion du français se poursuit. Fin XVIIIe, l’aristocratie et la bourgeoisie des villes était bilingue en Bretagne celtique. Le français s’est répandu de façon rapide au XIXe s., et au début du XXe s., il restait peu de locuteurs ignorant complètement le français (Dauzat 1946a, 141).

Le français apparaît tardivement en Alsace : celle-ci n’est rattachée à la France qu’en 1648. Jusque-là, c’est l’allemand qui servait de langue officielle. Le français est peu employé jusqu’à la Révolution, au profit de l’allemand et de l’alsacien (HLF 5, 103) : la noblesse, les Juifs et les huguenots immigrés connaissent le français, tandis que la majorité de la population ne le comprend pas. Les clercs cependant sont bilingues, ce qui permet à la population de ne pas apprendre le français (HLF 5, 103). Ce retard du français est dû essentiellement à la question religieuse, puisque les luthériens considèrent suspecte la langue des catholiques. La Révolution veut faire du français la langue de l’Alsace ; ce n’est pourtant qu’au milieu du XIXe s. (1853) que le français devient langue d’enseignement à l’école primaire. Au XIXe s., la bourgeoisie est entièrement francisée et le français se répand également dans le peuple, qui conserve cependant l’alsacien comme langue courante. De 1871 à 1918, l’Alsace est intégrée à l’Empire allemand, et l’allemand remplace le français. La francisation reprend à partir de 1918, et dans les années 1930 les élèves des collèges et lycées parlent français. Le peuple aussi apprend le français. De 1940 à 1944, l’Alsace retourne à l’Allemagne ; la francisation se poursuit et s’achève après-guerre de façon assez rapide (en 1946, 66, 4 % des Alsaciens dialectophones connaissent le français ; en 1962, le pourcentage passe à 80, 5 %, Wolf 1983).