Cette catégorie (notre n° 5) forme la classe la plus nombreuse de régionalismes (ainsi, à Annonay, sur 1767 traits régionaux recensés par Fréchet 1992, 1348 concernent des mots n’existant pas en français commun). Ce sont les régionalismes lexicaux proprement dits ; Poirier (1995) les appelle des régionalismes lexématiques. Si l’on considère, comme l’ont fait dans leurs typologies Straka (1977a) et Boulanger (1986), les mots régionaux comme des signes, on distinguera plusieurs sous-classes :
Le régionalisme relève d’un type lexical inconnu du français de référence (ex. cancoillotte n. f. “variété de fromage”).
Le régionalisme se rattache à un type lexical existant en français de référence (ex. rosette n. f. “saucisson sec et long”).
Le régionalisme relève d’un type lexical inconnu du français de référence (fayard/hêtre).
Le régionalisme se rattache à un type lexical existant en français de référence (se démarier/divorcer).
Différence de préfixe (aculer/éculer).
Différence de suffixe (brodure/broderie).
Dérivation préfixale (fiance/confiance).
Dérivation suffixale (ber/berceau).
Ils proviennent d’une même famille morphologique mais avec des bases différentes (méchantise/méchanceté).
Une catégorie spécifique de régionalismes lexicaux est constituée par ce que Poirier (1995) dénomme les variantes phraséologiques, qui sont formées à partir de mots français, mais dont la combinaison forme une locution originale (ex. avoir le corps dérangé “avoir la diarrhée”). Cette catégorie comporte des locutions avec ou sans concurrent français.
Cette typologie, comme toute typologie, est forcément incomplète, car il surgit toujours des cas de figure non envisagés, souvent marginaux. Poirier (1995), qui fournit la typologie la plus élaborée à ce jour, sans doute conscient des limites d’une telle tentative, n’a d’ailleurs élaboré que cinq grandes catégories, et s’est contenté d’indiquer à l’intérieur de chacune d’elles les sous-catégorisations possibles, sans les distinguer spécifiquement lui-même. D’autre part, un même régionalisme peut relever à la fois de plusieurs catégories (par ex. régionalisme par différence de catégorie grammaticale va souvent de pair avec régionalisme sémantique). La typologie proposée ci-dessus a été élaborée principalement à partir du corpus utilisé dans ce travail, dans le but de le répartir en un certain nombre de classes. Dans cette perspective, nous n’utiliserons par la suite qu’une sous-partie des classes ci-dessus définies, certaines ne concernant pas notre corpus (par ex. la phraséologie).
Le classement synchronique peut également être utile dans la recherche étymologique. En d’autres termes, la typologie synchronique a des implications pour la typologie diachronique : nous avons déjà noté un lien possible entre un régionalisme de fréquence (en termes synchroniques) et le maintien d’un trait décadent en français de référence (plan diachronique). De plus, un régionalisme lexical relevant d’un type lexical inconnu en français sera classé comme emprunt au patois si le type est attesté dans les patois formant substrat, tandis qu’un régionalisme se rattachant à un type lexical existant pourra être considéré comme emprunté du patois si celui-ci connaît le type, mais tout aussi bien comme dérivé du type français par création interne.