7.2.1.3. Régionalismes-survivances de rection

[21] accoucher v. pron.Accoucher

Le verbe accoucher, dérivé de coucher (< lat. collocare), d’abord attesté au sens “se coucher, s’aliter” (1160—16e, TLF), est apparu avec son sens moderne (“mettre un enfant au monde”) en 1165 à la forme pron. et intr. L’usage pronominal se perpétue jusqu’au début du 17e s. (Mon 1636, FEW), où il disparaît de l’usage devant l’emploi intr. (seul indiqué par Nic 1621, Rich 1680, Fur 1690). Le verbe pron. réapparaît à la fin du 18e s. comme régionalisme (non localisé dans Fér 1787 : “Dans certaine Province on emploie le réciproque au lieu du neutre.” ; mentionné par Desgrouais, puis Lascoux 1818 d’après Boisgontier 1992. Certains attestations du 16e peuvent déjà refléter des emplois régionaux : Montaigne, Henri IV (lettre de 1601), dans GdfC), et est signalé à Lyon à la fin du 19e (1894). Au 20e, le verbe est employé pronominalement dans la partie sud de la France : Drôme, Ardèche (Mariac), Pyrénées-Orientales, Midi toulousain et pyrénéen, Aquitaine. Le régionalisme est souvent considéré comme un calque de l’occitan (qui seul parmi les patois possède le verbe pronominal, cf. FEW 2/2, 908b-909a), par ex. par Boisgontier (1992, 13) : “Bien qu’attestée en français ancien, cette construction doit être plutôt considérée comme un calque de l’occitan s’acouchar (s’ajaire, vieilli)” (cf. aussi Fréchet 1997).

[11] promener v. intr.Promener

Promener est une réfection, d’après les verbes en pro-, de l’ancien verbe tr. pourmener (1150 “mener, faire aller en divers endroits”), lui-même formé à partir de mener (< lat. minare). Promener a été employé dès l’origine (1485) de façon pronominale. Mais un emploi concurrent non pronominal est apparu en 1530, qui, sans être aussi fréquent (il est minoritaire dans Hu et Nic 1621, absent de Rich 1680), acquiert cependant au 17e un usage suffisamment large (HLF 4, 726 ; Fur 1690 présente le verbe comme actif, “se dit souvent avec le pronom personnel”) pour que Vaugelas (1647, 20) le considère, de même que l’emploi intr., comme du bon usage. Le verbe pron. s’impose au 18e : l’emploi non-pronominal apparaît aux puristes comme une faute (cf. Fér 1788 : “Vaugelas autorise promener, neutre, au lieu de se promener, réciproque ; mais l’usage a changé depuis”), et il est dénoncé comme gasconisme par Desgrouais (1766) et Fér 1788. Il semble cependant d’un usage plus large qu’un méridionalisme, puisqu’au 19e s. il est signalé à Lyon par Molard (1803, 1810) et que beaucoup de grammairiens et lexicographes “corrigent” encore la “faute” (Blondin 1823 ; Li qui considère l’emploi intransitif chez Rousseau (1770) comme une faute (il est sans doute alors un régionalisme), Girault-Duvivier 1879). On trouve encore des emplois littéraires de l’emploi intransitif au début du 20e s., par ex. chez Dorgelès et Green (Rob 1985). Il est également vivant dans certaines régions (cf. Rob 1985 : “vieux ou régional”) : Belgique (depuis 1877, d’après Wolf 1983), Nord-Pas-de-Calais, Alsace (1920, 1924), Lorraine (d’après Wolf 1983), Suisse (Neuchâtel 1926), Drôme, Ardèche (Annonay), Haute-Loire, Pyrénées-Orientales. Grévisse (1993, §751) attribue la persistance de cet emploi à un effet de substrat : “A noter que les Méridionaux et les locuteurs influencés par le néerlandais emploient plus largement promener pour se promener” (cf. aussi Fréchet 1992, qui indique l’occitan permenar intr.). Le type promener est répandu dans les patois de France (FEW 6/2, 109b), où l’emploi intransitif est connu sporadiquement, notamment dans le Nord, l’Est, en frpr., et dans la Drôme.

Promener [11] est également un cas d’évolution contrariée, touchant la rection des verbes : le v. intr. ne s’est pas imposé face au pron. et a disparu de l’usage commun.