7.2.2. Cas douteux

7.2.2.1. Régionalismes-survivances formels

[181] vousoyer v. tr. “vouvoyer”.Vousoyer

Vousoyer est une forme dérivée de vous sur le modèle de tutoyer (suffixe -oyer, Grévisse 1993, §166 n° 3). On possède des attestations isolées de cette formation dès l’ancien français, témoignant peut-être de créations individuelles (14e vosoier ; 15e vousoier ; aussi 1565 vousier, FEW). Vousoyer semble pénétrer véritablement l’usage au milieu du 18e s. (1742 vousoïer en Suisse, Pierrehumbert 1926), bien qu’il ne soit recensé par la lexicographie qu’au 19e s. (1842, FEW ; Humbert le répertorie à Genève en 1852 : “Terme connu en France, mais que les dictionnaires, sans aucune raison plausible, n’ont pas accueilli.”) ; une forme voussoyer est répertoriée à partir du milieu du 19e (Besch 1845 ; aussi vousayer en Suisse (Genève 1852), donné comme “vieilli” par Pierrehumbert 1926). Le concurrent vouvoyer, formé à partir de vousoyer, voussoyer sur le modèle de tutoyer (par redoublement de la consonne initiale), est attesté dès la fin du 18e (1796 en emploi nominal, TLF). Les trois termes se font concurrence au 19e s., et bien que Li se soit prononcé contre vouvoyer (“le mot est mal formé”), c’est pourtant lui qui l’a emporté au cours du 20e s. (encore absent de Lar 1904 ; mentionné sous la vedette voussoyer dans Lar 1933 ; Rob 1964 le donne comme vedette : “Cette forme [...] l’emporte de nos jours”). Vousoyer et voussoyer sont donnés comme “vieilli” par Rob 1985 (s.v. vouvoyer), GLLF et Grévisse 1993. A l’heure actuelle, on trouve vousoyer encore utilisé dans l’Ardèche (Annonay) et la Drôme (aussi signalé à Neuchâtel (rarement voussoyer), mais était encore vivant en français commun en 1926). Le type lexical vousoyer est passé dans certains patois, notamment frpr. et occ. (FEW 14, 634b-635a). Fréchet (1997) attribue la présence du régionalisme dans la Drôme à l’influence de l’occitan vouseya.

Le n° 181 a été classé ici car les attestations patoises qui étayent la survivance correspondent à des emprunts au français (cf. Roques 1993), ce qui pour nous n’exclut aucunement qu’elles n’aient pu jouer une influence sur le français régional.

Le n° 51* porreau (cf. 7.2.1.1) est considéré par Rézeau (1989a, 250) comme un trait populaire, plutôt que régional. Nous prenons en compte cette possibilité, en faisant figurer ici cette entrée. Cependant, aucun fait n’est venu étayer cette opinion, peut-être fondée sur une intuition personnelle ; aussi le trait a-t-il été classé d’abord dans la rubrique recensant les convergences.