7.2.3.2. Régionalismes-survivances de genre

Aucune attestation patoise convergeant avec le trait fr. n’a été relevée pour les n° 46, 126 et 8 ; pour le n° 138* (cf. 7.2.1.2), le substrat ne corrobore pas la présence du trait au Québec.

[46] ancre n. m.Ancre

Le genre f. usité en français commun actuel (depuis l’emprunt au lat. ancora au milieu du 12e s.) est étymologique. Cependant, le mot a aussi été employé au m. au 16e s. (Hu), surtout dans la langue technique ou qualifiée de “populaire” (notamment chez Scarron), mais pas uniquement (on le trouve chez des écrivains comme Baïf, d’Aubigné, etc.). Ménage (1672) se prononce pour le f. (HLF 4, 788). L’emploi au m. perdure cependant dans les langues spéciales : il persiste dans la langue des marins des 17e et 18e s. (Fur 1690—Trév 1771 : “les gens de mer le font m.”, FEW), et est aujourd’hui toujours employé dans la langue des horlogers (avec le sens “pièce ayant la forme d’une ancre et servant à régler l’échappement d’une montre ou d’une horloge”, TLF). Son emploi dans la langue populaire au 19e est également attesté par Desgranges (1821). La survivance du genre m. dans le français du Québec (1930) constitue sans doute une des nombreuses traces du vocabulaire maritime dans ce parler. Il est à noter que les patois de Jersey et de Guernesey emploient également le mot au m. (FEW 24, 542b).

[126] appendice n. f.Appendice

Le fr. appendice a été emprunté au lat. appendix dans la première moitié du 13e s., dont il a hérité le genre f. L’emploi du mot avec le genre m. apparaît fin 16e (1585, TLF) ; la concurrence des genres s’exerce jusqu’au 19e s. Si le m. est donné comme seul genre par Fur 1690 et la série des Trévoux, il ne s’est cependant toujours pas imposé à la fin du 18e : cf. Fér 1787 qui rectifie au profit du f. étymologique le genre m., qu’il a attribué “par erreur” dans son Dictionnaire grammatical en 1768. Dans la première moitié du 19e, si le m. semble l’emporter (seul mentionné dans Besch 1845, par ex.), certains militent cependant encore pour le genre f., avançant des arguments étymologiques : “L’Académie fait appendice masculin : pourquoi cela ? Il est évident que ce mot est tout latin : il devrait conserver le genre qu’il a dans cette langue, d’autant plus que sa désinence française est féminine” (Land 1843). Le m. l’a emporté définitivement dans la seconde moitié du siècle (Li : “aujourd’hui masculin” ; DG). Appendice est encore employé au f. en français du Québec au début du 20e s. (1930). Le FEW (25, 34a) ne recense pas le mot dans les patois. Le français du Québec a maintenu le genre en usage en français à l’époque du départ des colons.

[8] moustiquaire n. m.Moustiquaire

Moustiquaire, dérivé de moustique (< esp. mosquito) est apparu dans la 2e moitié du 18e s. (1768) avec le genre m. Une forme f. concurrente moustiquière apparaît à la fin du siècle (Fér 1787 ; 1798-99 moustiquaire (TLF), répertorié depuis Boiste 1800 dans la lexicographie générale) et semble s’imposer rapidement : d’après TLF, le f. s’impose dès la fin du siècle ; le m. n’apparaît plus dans les dictionnaires dès la première moitié du 19e (ø Land 1843, Besch 1845). A l’époque contemporaine, moustiquaire m. est signalé comme régionalisme en Haute-Loire, dans l’Ardèche (Annonay) et la Drôme. Il ne peut être attribué à l’influence des patois, puique le mot n’y est pas attesté. Plutôt que de considérer l’usage régional comme le maintien ininterrompu d’un trait éphémère en français commun, on peut y voir un changement de genre par rapport au français commun actuel sous l’influence de la base moustique.