3.2. Survivance linguistique et référentielle

Certains exemples de survivances nous ont amené à envisager la possibilité que des traits lexicaux subsistent en français régional en raison de la survivance des réalités auxquelles ils réfèrent, tandis qu’elles ont été abandonnées dans l’usage commun (extra-linguistique et linguistique). On a là souvent affaire au maintien régional, et surtout rural, de coutumes ou d’objets devenus des archaïsmes de civilisation. C’est le cas par ex. du réveillon [71], la tradition des veillées ne subsistant plus que sporadiquement dans les campagnes ; de même, là où l’on utilise encore un petit chariot sur roues, on peut continuer à l’appeler un camion [24] ; on peut désigner le plafond comme étant le plancher [30] si l’endroit où l’on marche n’est pas composé de planches. Dans ces cas, des référents traditionnels persistent avec leur désignation ancienne, car l’usage commun, les ayant abandonnés, ne fournit pas de forme linguistique pour les remplacer. Le maintien de la numérotation décimale dans le français de l’Est, appuyée par le substrat et par le statut officiel de septante et nonante en Belgique et en Suisse, a également été favorisé par la persistance de l’utilisation des formes décimales dans l’usage administratif (en Suisse) et scolaire, pour des raisons pédagogiques, bien après les dates fournies par les dictionnaires généraux pour l’abandon de cet emploi en arithmétique (“certains instituteurs, pour faciliter l’apprentissage du calcul, utilisent les formes anciennes ; cette étrange méthode est même recommandée par les Instructions Officielles de 1945”, Grammaire du français contemporain, Larousse, 1964, §402, cité dans Grévisse 1986 §573. Elle a notamment été employée dans la Loire jusqu’à la seconde guerre).