Certains auteurs du début du siècle mettent en avant l’aspect institutionnel de la police. Pour Ch. Blaevoët, la police est “une institution qui a pour objet, en imposant des restrictions à la liberté individuelle (...), de prévenir tout trouble imminent à l’ordre public, ou de le faire cesser dès qu’il s’est produit”303. La police apparaît ici comme une institution qui limite l’exercice des libertés en vue d’établir ou de rétablir l’ordre public. Pour H. Berthélemy, “l’expression police désigne l’ensemble des services organisés ou des mesures prescrites en vue d’assurer le maintien de l’ordre ou de la salubrité à l’intérieur du pays”304. L’auteur retient ici le sens organique et matériel de la police.
La conception dichotomique de la police ne semble pas ici mise en valeur par ces auteurs. Ils soulignent au contraire l’importance de l’aspect institutionnel dans l’exécution de toute mesure de police, et ainsi à ne pas sous-estimer, sans examen de fond, cet aspect. L’étude des pratiques policières quotidiennes ne retient d’ailleurs pas non plus ce cadre pour appréhender l’objet “police”. Ainsi, en envisageant la pratique policière au quotidien, a-t-on pu recourir à une vision non pas bipartite (police administrative/ police judiciaire), mais tripartite (police d’ordre, police d’investigation, police de renseignement)305, voire à une classification quadripartite (renseignement, régulation de la vie sociale, participation à l’exercice de la justice, maintien de l’ordre légal)306. Dans son étude portant sur la rationalisation des choix budgétaires de la police nationale, M. Didier Linotte ne se réfère pas à la dichotomie policière classique pour recenser les différents actes accomplis par la police quotidienne307.
Comment, à partir de ces démarches qui s’offrent ici à l’analyse, saisir certaines pratiques policières en ne recourant, comme il est habituel de le faire, qu’à un seul principe jugé intangible, dans le but de fonder ou justifier un tant soit peu la dichotomie policière ?
Ch. Blaevoët, Des recours juridictionnels contre les mesures de police, thèse, Paris, 1908, p. 17, cité par J. Buisson, op. cit..
H. Berthélemy, Traité de droit administratif, Arthur Rousseau, 5° éd.,1908, cité par J. Buisson, op. cit., p. 244
G. Audebert, Organisation et méthodes de la police française, thèse, Poitiers, 1938, cité par J. Buisson, op. cit. ; J.P. Arrighi, B. Asso, La police nationale, missions et structures, Ed. de la Revue Moderne, 1979.
J. Aubert, R. Petit, op. cit. .
D. Linotte, La rationalisation des choix budgétaires de la police nationale, PUF, Paris, 1975, p. 26 ; où l’auteur établit 68 activités regroupées en 7 programmes dont la circulation, l’ordre public, police secours, le concours d’autres administrations, la police administrative, les activités de police judiciaire, les services communs. V. égal. A. Decocq, J. Montreuil, J. Buisson, op. cit., p. 27, n. 49.