Parler de “droit de la police” c’est bien sûr inscrire notre réflexion dans le cadre du concept d’ “Etat de droit”. Ce concept, forgé en opposition avec celui d’ “Etat de police” interroge dès lors l’institution policière, et partant la conciliation entre cette institution et l’Etat de droit. Le droit est ainsi mis à l’épreuve des pratiques policières. Si l’idéal poursuivi par l’Etat de droit est d’établir un certain ordre public fondé pour l’essentiel sur le postulat d’une sécurité juridique au service du citoyen, l’encadrement juridique de l’action policière suscite une interrogation à l’égard d’une telle conception. Etant au coeur même des phénomènes humains et de leurs comportements parfois imprévisibles, le droit censé régir l’intervention policière doit épouser au mieux des situations ou des faits souvent non prévus par le droit, parfois la réalité policière ne s’inscrit pas toujours dans le cadre juridique existant.
La police d’un Etat de droit impose une réflexion sur ce rapport fondamental entre le droit et le fait. Par sa connaissance du concret, elle tend souvent à légitimer des situations de fait en les élevant, après reconnaissance par le législateur des nécessités pratiques de l’action policière, en normes juridiques. Le souci de l’efficacité policière tend à exiger un droit tout aussi efficace, souci qui n’est pas en principe celui affiché par un Etat de droit dont l’idéal est la soumission de tout acte ou fait à une règle de droit, dans le seul but d’assurer une sécurité juridique au profit du particulier ou du citoyen.
Le droit de la police rend bien compte de cette dialectique entre le droit, non comme un simple “droit contrainte” mais plutôt comme instrument étatique poursuivant une finalité, et donc implicitement véhiculant par cela même certaines valeurs ; il y a aussi place pour un droit qui évolue en intégrant la réalité sociale du moment, phénomène observable à travers l’adaptation rapide de certaines pratiques policières, que des textes sont venus par la suite officialiser. Le droit de la police a la particularité de réunir, pour reprendre les termes d’un juriste, le plan étatiste ou l’élément finaliste et le plan causal ou l’élément sociologique396.
B.S. Markovic, “Esquisse d’une théorie générale du droit”, R.I.D.C ., n°2, 1996, p. 475. Le plan causal “exprime le rapport des faits sociaux en tant que causes et des normes juridiques en tant que conséquences de ces causes”, le plan étatique “est la nécessité dans laquelle se trouve l’Etat aspirant à réaliser selon le droit ses buts pratiques et politiques”.