L’évolution actuelle des droits anglais et français tend à montrer une intégration, explicite ou implicite, des qualités ou différences plus substantielles dans la définition de certaines catégories d’individus. La méthodologie suivie ici peut se résumer en ces termes : la lutte contre certaines formes particulières de discrimination, qui se traduit alors par la mise en place de mécanismes de protection juridique, induit implicitement la reconnaissance institutionnelle des groupes sociaux minoritaires, objet le plus souvent d’un traitement discriminatoire disproportionné par rapport à leur représentation démographique au sein de la collectivité nationale.
La “catégorisation” du corps social n’est pas un phénomène nouveau. Dans le but de serrer ou de saisir la réalité sociale au plus près, le législateur tend à fragmenter le corps social en catégories, démarche qui est, par exemple, admise par le juge constitutionnel français, pourvu qu’elle respecte le principe d’égalité de traitement544. Toute société pense et agit ainsi en termes de catégories selon l’âge, le sexe, la profession545... Ce qui est par contre “nouveau”, c’est la prise en considération explicite, comme en droit anglais, ou implicite, comme en droit français, de la qualité des individus. Certains critères d’affinité tels que la race, l’ethnie ne peuvent normalement, au regard des principes qui fondent un Etat de droit démocratique, être pris en considération dans la justification d’une situation ou d’un traitement juridique. Face à une population d’origine non-européenne, immigrée ou résidente, ces déclarations de principe sont toutefois ici à nuancer.
Le Conseil constitutionnel dans sa décision 80-127 DC relative à la loi dite “Sécurité et liberté”, déclare qu’ “il est loisible au législateur de prévoir des règles de procédure pénale différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, pourvu que les différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées des garanties égales aux justiciables” ; JO 22 janv. 1981, p. 308. Dès lors, définir la règle de droit sur l’idée de son caractère général et impersonnel perd ici de sa pertinence.
J. Mourgeon, op. cit , p. 46.