La présence simultanée de la police et des minorités, est plus fréquente sur des territoires ou zones géographiques dites “périphériques”, comme en France (“banlieues”), ou encore “centraux”, pour ce qui est de l’Angleterre (“inner cities”).
En Angleterre, les “inner-cities” sont davantage définies par la particularité de la population résidente qu’à travers un territoire bien délimité841. Toujours est-il que ces lieux s’inscrivent dans le registre d’un vocabulaire policier, qui fait référence à des termes tels que “violence urbaine”, d’ “émeutes raciales” ou encore “criminalité urbaine”. Ce vocabulaire n’est pas neutre puisqu’il fonde le plus souvent la construction de catégories juridiques à travers lesquelles la police se saisit de ces phénomènes, et déploie par conséquent ses pouvoirs légaux. C’est ainsi qu’en France, le recours majeur aux notions d’ordre public et de criminalité urbaine, appliquées à ces territoires, justifie le renforcement de l’équipement de la police urbaine quotidienne ou la mise en place de services de police spécialisés (forces mobiles de sécurisation modèle Compagnie Républicaine de Sécurité, ou la Brigade Régionale d’Enquêtes et de Coordination842 pour ce qui est de la lutte contre la criminalité urbaine, ou encore l’établissement d’une cellule “villes et banlieues” par les services de renseignements généraux).
La police anglaise semble adopter une démarche assez identique par certains aspects, ce d’autant plus que le terme “ordre public” est préféré à celui de “sécurité”, qui est par ailleurs absent du vocabulaire juridique anglais843. Mais l’ordre public local, qui fonde l’action de la police anglaise, a induit une réponse à ce désordre urbain par le recours au modèle dit de “community policing” ou “police communautaire”, ainsi que de l’adaptation de ses missions aux conditions spécifiques de ces territoires et donc indirectement à l’égard de sa population, à savoir les minorités. Ces deux polices semblent confrontées à la même situation dans l’obligation qui leur est faite de “policer” ces territoires “en difficulté”. Ainsi, il semble se dégager une police des “ inner-cities ” et une police des “banlieues”.
En ce sens V. Cl. Journès, “Police et sécurité dans les quartiers centraux des villes britanniques”, Cercles, N° Spécial janv. 1995, Univ. Rouen, pp 49-65. Il en est de même en France. Un rapport sénatorial observe qu’ ”on constate une concentration dans certains départements (des ) immigrés. Ils se trouvent situés dans des quartiers difficiles où ils subissent le chômage, l’échec scolaire, l’absence de qualification” et recourt ainsi au terme de “communauté étrangère”, “ce phénomène de concentration, poursuit le rapport, génère par lui-même une criminalité spécifique” .V. Rapport de la commission de contrôle chargée d’examiner la gestion administrative, financière et technique de l’ensemble des services relevant de l’autorité du ministre de l’Intérieur qui contribuent à un titre quelconque à assurer le maintien de l’ordre public et la sécurité des personnes et des biens, Sénat, n°347, 2nde session ordinaire, 1990-1991, Président L. Boyer, Rapporteur L. Lanier, respect. p. 24 et p. 98.
Les Brigades Régionales d’Enquêtes et de Coordination, sont des services créés dans le cadre des SRPJ, en 1991 et spécialisés dans le phénomène dit des “violences urbaines”, services dont il sera question ci-après.
Toutefois, la notion de “maintien de l’ordre” est synonyme de “sécurité intérieure” ou I.S, notamment pour les missions dévolues à la police d’Irlande du Nord. Ce qui tend à nuancer notre affirmation. V. ainsi la loi de 1984 reproduite in Halsbury’s statutes of England and Wales,- Criminal law, Vol. 12, 4th. ed., London Butterworths, 1994, pp 846-934.